Ballade nocturne... (PV I-boss)

Une nuit ordinaire. En réalité, Satsuki ne se balladait pas vraiment. Elle était plutôt occupée à rentrer au foyer, la journée au Chao Bao Zi ayant duré longtemps, comme d'habitude. Serrant ses fidèles boîtes vapeurs à présent vides contre elle, elle se pressait un peu. C'est surtout qu'il faisait un peu froid, en ce tout début de printemps, et qu'il faisait aussi très sombre ici. Peur? Mmh, peut-être... Peut-être un peu. Satsuki était quelqu'un de sensé mais n'en restait pas moins une humaine avec une certaine jauge de trouille... C'était donc peut-être aussi pour ça qu'elle pressait un peu le pas.
I so ide...
Soudain, alors qu'elle tournait au coin d'un arbre, elle entendit un bruit quelque part dans les fourrés. Elle ne voyait rien. Impossible même de distinguer une ombre parmi les autres.
Un... Un animal?
Elle s'était immobilisée, et tremblait un peu, sachant bien en elle-même que ce n'était pas que de froid. Les bruits continuaient, et ce n'était pas le vent, elle l'aurait senti...
Il... Il y a quelqu'un?

Tendis que le frissonnement des buissons donnait naissance à un bruit de craquement, une main se posa sur les branches d'un des arbustes, l'écartant lentement, provoquant une sorte de soupir de la part des feuilles de ce dernier. Dans la pénombre, deux fines pupilles luisaient d'un rayon doré, quelques instants suffirent pour que ces traits si agressifs se calment et prennent la forme d'yeux. Un pied entra dans la lumière de la lune suivie de tout un corps, des cheveux grisonnant reflétèrent un peu de cette pâle clarté. Rikuo affichait un visage des plus surpris à la vision de Satsuki, la fixant avec de grands yeux, elle s'approcha encore de quelques pas en sa direction.

- Satsuki-chan ? Qu'est-ce que tu fais là à cette heure ?

Ses joues si pâles prirent une teinte plus chaude et son regard se détacha du visage de la jeune cuisinière pour se poser au sol.

- J'ai due te faire peur, je m'excuse, je ne voulais pas ...

Ah... Rikuo-chan!
Satsuki poussa un soupir de soulagement. Intérieurement, évidemment, elle était rassurée de rencontrer une personne qu'elle connaissait plutôt que qui que ce soit ou quoi que ce soit d'inconnu... Et d'inquiètant, accessoirement.
Ce n'est que toi, j'ai eu peur... Ce n'est pas très prudent de ma part de rentrer par ici, mais je viens de finir le travail et j'étais pressée de rentrer, alors...
Elle se passa une main derrière la nuque, arborant un sourire gêné. Elle ne paraissait à l'instant vraiment pas comme quelqu'un de raisonnable, et elle avait un peu honte de ne pas montrer l'exemple.
...J'aurais dû passer par la rue, je sais... La prochaine fois, je ferai plus attention... Et toi, que fais-tu ici?

- Ah... Rien de vraiment spécial.

Captant l'air légèrement honteux de Satsuki, elle ne pouvait s'empêcher de la fixer, bouche mi-ouverte. Avançant encore de quelques pas, elle glissa sa main dans la sienne et afficha un sourire timide tout en penchant la tête, un de ces sourires qu'elle faisait si souvent en sa présence.

- C'est vrai que ce n'est pas sûr ... Je veux t'accompagner !

Elle rougit soudain, gênée par sa propre initiative, elle tourna la tête sans la perdre de vue. Elle-même ignorait la raison de sa gêne, elle n'avait encore jamais ressenti ça jusqu'à ces derniers jours.

- Enfin, si tu le veux bien...

Ah... Euh... Oui, si tu veux!
Satsuki ressentait à cet instant, en se remettant en marche, une surprise intérieure. Elle ignorait pourquoi Rikuo avait pris sa main, et par ailleurs pourquoi elle était gênée, car elle ressentait bien de la gêne qui émanait d'elle. La chose curieuse sur le moment était qu'en revanche, elle ne ressentait en Rikuo aucune peur. C'était presque vide...
C'est décidément une fille bien étrange...
Tu passes souvent par ici?

- Haï, presque tous les soirs ...

Au fils des pas, leurs mains se balaçaient à un rythme lent. Entre temps, la face de Rikuo était redevenue totalement normale. Le vent froid qui soufflait dans les buissons créait un bruit de froissement mêlé à des craquements de vieilles branches. Cela ne semblait pas la perturber.

- C'est pour ça que tout à l'heure, j'ai été surprise de te voir.

S... Sou ka...
Satsuki tremblait, ce qui était perceptible malgré l'ambiance de la forêt de nuit. De froid, peut-être, à cause du vent qui faisait des plis dans sa jupe pourtant lisse...? Ou de la peur? Le vent, dans les arbres, était aussi frais qu'inquiètant. Sans s'en rendre compte, elle serrait plus fort la main de Rikuo dans la sienne, à mesure qu'elle marchait et qu'elle se concentrait droit devant elle. Sortir. La destination. Le but. Ne pas regarder autour...

- Nè, Satsuki-chan, tu te souviens à la fête de la saint-Valentin, quand je t'es dit qu'on était amies ... Est-ce que ...

La main de Satsuki et la sienne resserraient lentement leur étreinte, le vent si froid s'arrêtait lentement, ce qui aurait dut être une bonne nouvelle mais, plissant les yeux, Rikuo leva les yeux aux ciel, stoppant la marche et retenant Satsuki, elle releva son autre poignet. Une légère goutte tomba sur sa main, bientôt suivi d'une pluie fine et fluide.

- Mauvais ...

...Eh...?
Satsuki, surprise d'abord que Rikuo reparle de tout ça, et ensuite qu'elle s'interrompe, leva les yeux et sentit elle aussi les premières gouttes de pluie sur ses joues.
Oh... Ah, oui.
Sur l'instant, elle frissonna : elle n'était pas très couverte, et n'avait pas son manteau. Elle commença à partir en avant, tirant Rikuo par la main.
Zut... Dépêchons-nous! Oh... Attends...
Elle se retourna vers Rikuo, qui semblait connaître l'endroit mieux qu'elle, d'un air inquiet. Il faisait noir, et sans un minimum d'attention elles pourraient se perdre.
Toi qui t'y connais... C'est encore loin?

- Oui.

D'un air désolé, Rikuo fixait Satsuki sans lui lâcher la main. Alors que la pluie se faisait de plus en plus lourde et dure, elle savait que ça n'allait que s'empirer avec le temps et que la sortie des bois était encore bien loins. Elle aurait put continuer si elle avait été seule, elle n'était pas du genre à tomber malade pour 'si peu' mais là c'était différent, Satsuki était là et aux yeux de Rikuo, cette pluie était une menace qui pouvait lui faire nu mal, et elle voulait protéger Satsuki, ce sentiment, elle pensait que c'était cela l'amitier, et c'était ça qu'elle avait voulu dire par "amies" le soir du bal de na Saint-Valentin.

- Satsuki-chan, il serait plus prudent de trouver un abri.

Mmh... D'accord...
Satsuki, qui s'était stoppée dans son élan, se retourna complètement vers Rikuo, un peu craintive à présent. Il se faisait tard, il pleuvait en plus, et à présent elles devaient trouver un abri... Mais où trouver un abri ici?
Euh... Tu sais où aller? Je ne connais rien, ici... Et il fait tellement noir...
Satsuki s'était raccrochée par son autre bras au bras de Rikuo. Pas question de la perdre. Pas question de la lâcher, puisqu'elle était la seule personne qui pouvait l'aider ici. Et Satsuki avait grande confiance en Rikuo. Elle ne la laisserait pas tomber, ça, elle en était sûre.

Lorsque Satsuki revint vers elle, le coeur de Rikuo s'emballa légèrement. D'un sourire et d'un regard rassurant, elle l'empoigna et marcha rapidement entre les arbres, les buissons et les autres éléments de cette forêt si sombre. La chaleur dégagée par le bras de Satsuki suffisait à faire sourire Rikuo dont les pensées à ce moment-là ressemblaient à: "Plutôt mourir que la lâcher." Lentement, la silhouette d'un grand arbre décapité se dessinait dans la penombre des lieux, la lumière des premiers éclairs éclairèrent son écorse brune orné d'un énorme trou.

- C'est là ...

De sa main libre, elle pointait l'ouverture dans le tronc, c'était bien là qu'elles s'abriteraient en attendant que la pluie se calme. Mais à ce rythme, l'orage ne se calmerait peut-être qu'au petit matin, un peu avant si elles avaient de la chance. Chose sûr, elles allaient passer une bonne partie de la nuit ici. Elles étaient maintenant devant l'arbre, c'était juste assez large pour deux, mais c'était sec.

Comment connaît-elle cet endroit...?
Mais ce n'était pas vraiment le moment de se poser la question... Pas vrai? Elle resta un instant en contemplation devant l'arbre, devant sa nature imposante malgré sa mort et la vieillesse de son bois.
Il est beau... Ce n'est pas aussi incroyable que l'arbre-monde, bien sûr, mais cet arbre est si beau...
Elle finit par secouer la tête et suivit Rikuo, se plaçant accroupie dans le trou qu'elle lui avait indiqué. Elle se sentait un peu bête. Avec en plus ses boîtes sur elle, elle allait prendre de la place... Elle laissa ses boîtes de nikuman à l'extérieur, jugeant que même si ce n'était pas très bon pour la nourriture, au moins, dans des conditions pareilles, c'était préférable.
Bon... Au... Au moins, on aura à manger pour la nuit. Fuu... Si j'avais su j'aurais été plus prudente...
Satsuki avait soupiré brièvement, puis elle se tourna vers Rikuo, l'air soudain embarrassé.
...D'autant que... Je...
Elle ne savait pas si elle devait la regarder en face ou pas. Elle ressentait ce qui émanait de Rikuo. Cette dernière aurait très bien pu rentrer, à l'heure qu'il était... Et ne pas prendre la peine de s'arrêter pour se protéger... Si elle n'avait pas été là. Elle ne savait pas si c'était une bonne ou une mauvaise chose, mais le fait était que cette posture-là l'embarrassait...
...Je suis désolée... Si je n'avais pas été là tu serais déjà rentrée, pas vrai?

Lorsque Satsuki entra dans ce que l'on pouvait appeler une minuscule grotte dans le tronc de l'arbre, Rikuo lui lâcha lentement la main et arrangea les boîtes à l'extérieur pour ne pas qu'elles tombent. Elle se glissa ensuite dans l'ouverture, prenant place tout près de Satsuki, elles étaient presque collées l'une à l'autre, cette position gênait énormément Rikuo qui de nouveau affichait des joues rosées. D'autant plus que la chaleur dégagée par chaque corps se rependait dans le petit espace qu'était cet abri, faisant lentement disparaitre le froid humide de la pluie. Mais son air gêné disparu au moment ou Sacchan s'excusa, Rikuo baissa légèrement la tête, elle était pensive.

- Iie ... Satsuki ...

Elle se redressa et se tourna vivement vers la cuisinière, elle posa sa main sur la sienne sans même s'en rendre compte.

- En fait, je préfère vraiment être ici avec toi ... !

C'était la vérité, elle s'était contentée de dire ce qu'elle avait sur le cœur, avec la plus grande sincérité. Mais voilà qu'elle était de nouveau gênée, leurs visages étaient si proches. Jamais de sa vie Rikuo n'avait ressentit cela, elle n'avait presque jamais sourit avant d'entrer pour la première fois dans le Chao Bao Zi. Elle n'avait jamais ressentit la gêne avant de faire la connaissance de cette jeune cuisinière.

Rikuo-chan...
Sur le coup, Satsuki était surprise. Surprise surtout par le fait que ce que Rikuo disait n'était pas une excuse polie. Non, elle le ressentait, elle sentait la sincériter émaner de la jeune fille. Ce n'était pas une simple phrase en l'air pour la rassurer. C'était la vérité. Alors, vraiment...
Vraiment, elle préfère rester coincée là, dans un endroit aussi inconfortable, avec moi, plutôt que de rentrer comme elle l'avait prévu?
...Rikuo-chan...
Elle avait alors attrapé la main de Rikuo qui touchait la sienne, et la serrait du plus fort qu'elle pouvait. Peut-être parce qu'elle se sentait déconcertée. Ou peut-être encore parce qu'elle se sentait émue. Elle n'avait pas besoin qu'on prenne soin d'elle comme ça... Et puis, à sa façon, d'expérience, elle s'était tellement salie, aussi... Alors, en quel honneur? Peut-être parce qu'elle ne comprenait pas. Pourquoi de la gêne de la part de Rikuo? (Oui, elle pressentait ça, aussi.) Sans doute surtout parce qu'elle éprouvait de la reconnaissance. De la reconnaissance envers Rikuo et envers toutes les autres personnes qui auraient fait la même chose pour elle. Combien il y en avait, elle ne savait pas. Et pour le moment, Rikuo était là et faisait attention à elle... De cette façon... Elle avait baissé les yeux ; elle les releva vers elle, la voix un peu enrouée, tout en serrant la main de la jeune fille encore plus fort dans la sienne.
Arigatou... De prendre soin de moi de la sorte... Demo... Pourquoi est-ce que tu fais tout ça? Tu sais, je... Enfin... Je n'ai rien de spécial, tu sais, et...
Mais soudain, on entendit l'un de ces innombrables bruits de la forêt, une sorte de bruissement continu à travers les branches, sans doute un animal sauvage qui passait, rien de plus. Seulement, Satsuki n'avait pas l'habitude, et la nuit, la pluie, le froid et toute cette ambiance n'arrangeait rien. Alors, à peine avait-elle entendu le bruit qu'elle poussa un petit cri bref dans un sursaut. Presqu'aussitôt, dans la même seconde, elle avait attrapé cette fois tout un bras de Rikuo et le serrait très fort, tremblant cette fois de peur et pas de froid. À présent, elle ne lâchait plus la jeune fille, et la regardait dans les yeux d'un air suppliant. Sa voix était tout aussi effacée, éraillée par la peur.
Ri... Rikuo-chan, j'ai la trouille...

La question de Satsuki ... Rikuo ne pouvait pas y répondre, elle ne savait pas pourquoi elle voulait tant la protéger, la voir heureuse, la consoler. Elle ne s'était jamais posée la moindre question sur ce sentiment et les origines de ce dernier. Mais alors qu'elle avait détournée le regard et qu'elle se plongeait dans des pensées pour le moins troublées, la jeune fille prit son bras. Un bruit dans les buissons, sans doute une bête, un animal qui fuyait la pluie. Ce simple bruit, au beau milieu de cette nuit sombre, froide et humide avait effrayé Satsuki. Lentement Rikuo posa sa mais sur le bras de la petite cuisinière, son regard était si différent. Plus de gêne, plus de doutes. À mort les questions, ce que c'était, d'où cela venait, peu importe ! C'était bien présent et ça remuait dans sa poitrine. Cette envie de ne jamais la laisser seule dans le noire et la peure.

- Daijobu Sacchan. Maintenant, je suis là.

Sa voix était aussi ferme que sûr, comme lorsqu'elle parlait à d'autres personnes mais, elle n'était pas froide. Le même timbre, la même force mais pourtant, cette voix là était rassurante et chaleureuse. Alors que sa main glissait du bras jusqu'à la nuque de la jeune cuisinière, elle glissa son second bras à sa taille. Reserant calmement son étreinte jusqu'à ce que leurs troncs se touchent., approchant son visage du sien, Rikuo posa ses lèvres sur celles de Satsuki. Les yeux inclinés, puis fermés, elle embrassait sa protégée. Ce soir, oui à partir de maintenant, elle assumait cette partie d'humanité.

Au début, Satsuki se laissa faire. Elle le savait, Rikuo était là pour la protéger, pour la rassurer. Elle ignorait toujours pourquoi, mais c'était une certitude. Alors, quand Rikuo la prit dans ses bras, elle ne broncha pas, ressentant cela comme une forme de réconfort. Elle n'avait plus froid, et elle n'avait presque plus peur... La voix qui lui parlait était si rassurante... Mais quand Rikuo l'embrassa, sa sérénité s'estompa dans un sursaut.
Hein...?!
Décidément, elle comprenait de moins en moins. Et ça... Qu'est-ce que ça voulait dire? Tout allait très vite dans sa tête, tout d'un coup. Rikuo-chan n'était pas une habituée des coutumes humaines, c'était vrai. Mais tout de même, elle savait ce qu'un baiser signifiait, non? Est-ce qu'alors c'était... Une démonstration de ses sentiments? Est-ce qu'une nouvelle fois, quelqu'un éprouvait un tel sentiment vis-à-vis d'elle, Satsuki Yotsuba? Est-ce que d'ailleurs à simplement 15 ans, on n'avait pas ressenti ça pour elle trop de fois? Est-ce qu'on ne l'avait pas embrassé trop de fois? Et d'ailleurs, pourquoi est-ce qu'elle restait là à ne rien faire? Pourquoi est-ce qu'elle était paralysée comme ça?
Mmh...
Attrapant entre ses deux mains le visage de la jeune fille, elle l'écarta du sien en prenant soin de ne pas être trop brutale. Après tout, elle n'avait rien fait de mal... Elle resta là, alors, à la regarder, sans comprendre davantage. Elle avait pâli et rougi en même temps, ce qui lui faisait un visage étrange. Elle ne savait même plus où mettre ses mains, elle ne savait plus où se mettre tout court d'ailleurs. Elle essayait de ne rien laisser transparaître, mais elle tremblait, un peu, ses yeux restaient écarquillés d'étonnement et de gêne, et son coeur, sans qu'elle puisse se contrôler, s'était remis à battre la chamade, tant elle se sentait embarrassée. Elle voulait parler, mais les mots ne sortaient plus de sa bouche, et sa voix s'était faite toute petite, étouffée et flûtée à la fois :
Ri... Rikuo.
C'est tout ce qu'elle avait réussi à dire, dans un souffle. Elle voulait des explications, mais comment les demander clairement? Tout recommençait à s'embrouiller dans sa tête.
Wa... Watashitachi wa... Tomodachi, hein? Tomodachi... C'est ce que tu avais dit... Alors... Na... Nande...?

L'esprit saint et la pensée neutre, Rikuo sentit agréablement les petites mains de Satsuki se déposer sur ses joues. Des mains aussi tièdes que douces, une étrange sensation qui réchauffait son visage froid. Son teint devenu légèrement rosé, elle se laissa calmement emporter et détacha son visage de la bouille ronde de la "petite" cuisinière. Fixant Satsuki de ce même regard protecteur, dans sa tête, c'était en partie clair et posé, comme l'accoutumée. La mine, ni gênée, ni surprise de la jeune fille lui donnait l'envie de passer une main dans ses cheveux pour arranger la mèche au milieu de son front. Mais elle ne le fit pas, car les mots de l'étudiante la bloquèrent dans une nouvelle réflexion.

Ri... Rikuo. Wa... Watashitachi wa... Tomodachi, hein? Tomodachi... C'est ce que tu avais dit... Alors... Na... Nande...?

Petit temps de pause. Oui, ces mots étaient ceux qu'elle avait elle-même prononcés. Selon Rikuo, elle et Satsuki étaient amies, et aujourd'hui encore c'était son point de vu. Seulement, que signifiait le mot "ami" pour elle ? Après tout, elle avait passé les 15 dernières années de sa vie sans ressentir quoi que ce soit pour une autre personne, que ce soit haine ou amitier, alors comment pourrait-elle faire la part des choses.

- To-mo-da-chi. Les amis ne font pas ça entre eux ? Ils se protègent, se soutiennent, se consolent ... C'est ce que je veux être. Watashitachi wa tomodachi. Dit-elle en posant son indexe sur le front de la jeune fille. De nouveau elle la regardait avec tout le respect et la sérénité de ce vaste monde.

Satsuki détourna le regard, un peu gênée, la bouche fermée et un peu pincée dans la moue d'une fille qui ne savait pas quoi dire. Il était vrai que Rikuo n'éprouvait pas de sentiments habituellement, et que jamais ça n'émanait d'elle en général. Rikuo était une fille étrange. Et Satsuki ne savait pas trop comment réagir.

Oui, mais les amis ne s'embrassent pas entre eux.

Regardant à nouveau Rikuo, elle se surprit de la manière dont cette dernière avait posé son doigt sur son front et fit de même avec son petit doigt court, sur le front de la jeune fille qui était toujours plus haut qu'elle. Elle finit par sourire d'un air un peu attendri et se mit à rire.

Non, les amis ne font pas ça... Ça, c'est les amoureux qui le font.

Elle finit par se redresser accroupie, tapota un peu ses genoux et lâcha un petit éternuement qui faisait penser à un enfant malade. Elle avait toujours aussi froid et elle en avait assez d'être ici. Attrapant Rikuo par le bras, elle laissa reposer sa tête sur son épaule et ferma les yeux, engourdie par le froid.

Mais... Merci d'être là, Rikuo-chan. Merci de me protéger... Je crois que j'avais besoin de ça sans qu'on me demande quoi que ce soit en échange et... Tu es bien en train de me protéger sans me demander quoi que ce soit en échange, non?

Elle rit encore un peu, sans ouvrir les yeux, toujours appuyée contre Rikuo, quand tout à coup elle éternua à nouveau.

Mmmh... Je suis fatiguée et j'ai froid... Heureusement que je ne suis pas toute seule.

Oui, mais les amis ne s'embrassent pas entre eux.

Ce n'est pas la phrase en elle-même qui marqua la réincarnation "insipide", mais la scène qui en fut la continuation. Le fait que Satsuki pose son doigt sur le front de la jeune fille, de la même manière que celle-ci avait placé le sien entre les mèches trempées qui couvraient le front de la cuisinière, et plus que cela, ce fut son sourire doux et tendre qui se scotcha à l'esprit et à la rétine de la supposée insensible. C'était ce genres de moments et de sentiments que Rikuo souhaitait préserver dans le cœur de cette adolescente si différente à ses yeux, du reste de l'humanité, pour ne pas dire du monde entier.

La pluie quant à elle, ne cessait pas. Mais même le vacarme de la lourde chute de ces gouttes d'eau littéralement mitraillées au sol et sur l'écorce du vieux tronc qui leur servait d'abri ne pouvait perturber les pensées de l'habituée de ces lieux. Néanmoins, avec la pluie augmentait le froid et il n'y eu rien de réellement étonnant quand l'éternuement de Satsuki résonna. Et alors qu'elle sentait son bras enlacé par la douce chaleur de sa "protégée" et que la petite tête ensommeillée de cette dernière vint se poser contre son épaule, une fin sourire se dessina sur les lèvres de Rikuo, la fixant tendrement.

Prenant une petite inspiration, elle écarta Satsuki une seconde, le temps de retirer la veste de son uniforme et de la déposer sur ses épaules. Puis, elle fit lentement glissé son bras gauche dans le dos de son "amie", la serrant contre elle dans le but de la réchauffer. Passant sa main droite entre ses couettes, elle lui caressa lentement les cheveux, une geste aussi affectueux que réconfortant.

- Je ne te laisserais jamais toute seule. Je serais là à chaque fois que tu en auras besoin. Moi, tout ce que je veux ... c'est que tu sois heureuse.

Sur son visage, ce sourire tendre apparu de nouveau alors que, quelques secondes durant, elle plaçait sa joue contre son front.

- Je m'excuse si ce que j'ai fait t'as effrayé. Je ne voulais pas te mettre dans l'embarra.

Mmh... Vraiment, tout ce que tu veux?

Satsuki avait entrouvert les yeux. Elle n'avait plus froid, ni plus peur. Elle se sentait en sécurité. La main de Rikuo dans ses cheveux lui donnait l'impression d'être un animal que son maître caressait, mais ça lui faisait du bien. Elle sourit pour elle-même, alors qu'elle regardait le sol.

C'est vrai que... Que je sache, devant moi, tu n'as jamais émis d'autre souhait depuis que je te connais, que de m'aider et de me protéger. Tu es quoi au juste? Une sorte d'ange gardien?

Satsuki avait une voix de petite enfant et ne semblait se rendre compte qu'à moitié de ce qu'elle disait. C'était vrai qu'après tout, elle ignorait d'où Rikuo venait, quelles étaient ses origines. Et il y avait tant de créatures étranges autour d'elle dans cette école... Elle-même n'était pas entièrement normale. Alors, autant imaginer un peu ce que Rikuo pouvait être... Pour Sacchan, la jeune fille était en tout cas comme une bonne fée, un ange gardien comme elle l'avait dit. Elle attrapa la veste de Rikuo sur d'un de ses épaules et l'attira un peu plus contre elle, regardant toujours dans le vide avec cette même expression paisible. Elle pouvait faire confiance à Rikuo et elle le savait. Elle ne savait pas pourquoi mais c'était une certitude.

Tu resteras avec moi, nee... Sans rien me demander en échange... En signe de reconnaissance... C'est dur à croire.

La petite cuisinière ferma les yeux. Sa voix se faisait de plus en plus petite, comme elle était fatiguée, et qu'elle ressentait une intimité dans ce qui se passait. Une intimité qui ne la dérangeait pas tant que ça. Elle se sentait en sécurité, c'était bien simple.

Merci, beaucoup, beaucoup, beaucoup, Rikuo-chan.

- Ce que je suis... ?

Frottant tendrement le haut de crane de la petite cuisinière, juste entre ses deux couettes, la face de Rikuo semblait perdre cet air solide et dure, au profil d'un visage étrangement apaisé. Fermant ses grands yeux, laissant ses cils frôler ses joues, même si ce n'était qu'un court instant, elle voulait se souvenir de ce qu'elle était. Un soupir calme et doux, voilà que ses paupières se relèvent et pourtant sans une once de mélancolie. Elle était simplement sereine, ce qu'elle était...

- ...Ça n'a pas d'importance.

Sa voix n'était pas mélodieuse, juste reposée et reposante. Ce qu'elle était n'avait pas d'importance, tout ce qui comptait c'était le bonheur de Satsuki. Une personne naturellement bonne et gentille. À ses yeux, elle était semblable à une petite fleur, une fleur de printemps. Si on ne la protège pas, les gens pourraient lui marcher dessus, la chaleur pourrait la dessécher, le froid pourrait la geler. Voilà pourquoi il faut la protéger, pour que son parfum printanier ne cesse jamais de se rependre. Un loup protégeant une fleur ? Drôle de comparaison.

- Mitte, la pluie commence à se calmer.

...Hoe?

Rouvrant les yeux, Satsuki constata que Rikuo disait vrai. La pluie commencait à perdre de son intensité, et avec elle le froid et le sentiment d'insécurité qui la dérangeait depuis le début. Rikuo était là, et la pluie s'arrêtait progressivement... Après, tout, Rikuo avait raison, la nature des choses, et sa propre nature, n'avaient aucune importance. Tout allait bien, pour le moment, et elle n'avait pas à s'inquièter.

...Sou.

Le discours était pour le moins monosyllabique mais sans doute que la fatigue et ce sentiment d'intimité y étaient pour quelque chose. Rikuo avait une autre facon de penser à laquelle Satsuki faisait confiance. Étrange sensation d'ailleurs, que de se plier ainsi dans l'esprit d'une autre personne pour se sentir mieux. Satsuki ne connaissait pas cela, car tout simplement elle ne faisait pas partie des personnes qui dans leur vie avaient déjà eu besoin d'agir ainsi... Au demeurant, penser par elle-même lui suffisait. Elle n'avait même pas remarqué, dans toute sa confiance, que Rikuo avait marqué une pause notable avant de lui répondre. En temps normal elle y aurait fait attention.

Mais qu'est-ce qu'il y a d'anormal...?

Elle ne le savait pas. C'était juste un petit instant étranger au quotidien qui venait se manifester comme un signe. Satsuki sentit sa gorge se serrer sans même comprendre pourquoi. Elle répéta imperceptiblement ce qu'elle avait dit.

...Sou.

...

Dans ce silence, il y avait pourtant un flot de paroles. Oui, dans le silence de Rikuo, se cachaient d'innombrables maux. Mais on entendait que les gouttes, lourdes et lentes, les dernières gouttes de pluie. Celles qui glissent le longs des feuilles et viennent s'écraser au sol. Le battement des dernières larmes de nuage sur ce sol déjà humide, sonne et résonne comme une mélodie dans les étranges tympans de Rikuo. Alors que les gris nuages s'éventrent, filtrant de larges et beaux filets de lumière dorée, la jeune fille aux cheveux décolorés respire. De son souffle doux, elle profite de cette odeur si commune : la terre mouillée, les plantes gorgées d'eau, les senteurs d'après l'orage. Et là, bien calmement, elle relève son coude, posant son poing à peine serré sur ses lèvre. Avec un attendrissant regard absent, elle fixe sans y prêter attention, ce qui se trouve de l'autre côté, par-delà l'entrée de leur abri.

Satsuki-chan.

Ses fines et pâle lèvre bougèrent derrière sa main, mais cela n'étouffa pas le son de sa voix, pas le moins du monde. Bien au contraire, une voix claire et haute, non-pas fière mais, dégageant une certaine sûreté. Il s'en émanait toujours le même sentiment apaisant, cette fameuse chaleur rassurante mais, si claire cette fois-ci ... Si claire, comme si tout allait bien. Comme si il n'allait plus jamais pleuvoir ainsi. Elle avait prononcer son nom, comme si elle avait voulu la réveiller. L'aider à sortir d'une torpeur ... D'une monotonie peut-être ? Simplement, l'appeler et attirer quelque seconde son oreille. Juste pour savoir, ce dont elle avait envi.

Tu veux rentrer ?

Son regard, toujours si lointain. Perdu là-bas, de l'autre côté, alors que toute son attention était ici, sur la petite cuisinière. Et la main qui jusqu'à présent caressait calmement la tête de Satsuki, écarta les quelques mèches couvrant le front blanc de cette dernière. Agissant avec elle comme avec un enfant, une petite fille toute fragile.

[C'est la reprise. 'achement court, je te l'accorde, mais justifions nous pas le manque de temps et la montagne de choses à faire pendant ces 48 heures. xD ^^' *Quand même contente de pouvoir enfin reprendre ce RP.* *__*]

Un reniflement. Ce fut la permière réponse de Satsuki. Elle avait chopé le bras de Rikuo et se serrait fort contre ce bras, en laissant ses larmes couler.

Pardon. Pardon. Je sais même pas pourquoi je pleure. Pardon.

Elle avait froid, elle était fatiguée, elle avait eu peur, elle ressentait de l'émotion pour Rikuo qui prenait soin d'elle, peut-être tout ça à la fois. Mais elle pleurait. Elle ne se retenait pas parce que sinon, ça sortirait à un moment où elle ne voudrait pas que ça sorte... Pourtant elle n'était pas triste. Elle était heureuse. Et malgré tout elle était là, crispée sur le bras de Rikuo à verser ses larmes.

Merci, Rikuo-chan. Merci de m'avoir sortie de là, merci d'avoir pris soin de moi et de me protéger. Merci... De m'avoir sortie de là.

Par là, elle signifiait évidemment la torpeur dans laquelle elle semblait être, ce que Rikuo avait très bien réalisé. Elle sourit, ce qui lui fit avaler sur le coup quelques gouttes d'eau salée.

On se comprend... Hein...? Je veux rentrer, je pense, mais d'abord je veux savoir ce que toi tu vas faire. Tu ne comptes pas rester dans la forêt quand même...? Et s'il se remettait à pleuvoir?

Elle la regardait à présent d'un air inquiet, la laissant faire depuis le début lorsqu'elle lui caressait la tête. Mais elle se disait qu'après tout Rikuo s'inquiétait bien pour elle, mais qu'il fallait qu'elle songe à elle-même aussi, et que si cette fille-là était si prévenante avec elle, elle se devait de l'être également. Elle voulait prendre soin de Rikuo, également, faire attention à elle, à ce qui était bien pour elle. Rikuo lui avait indiqué un endroit pour se protéger de la pluie, elle était restée avec elle, contre elle, tout du long, elle l'avait rassurée, et s'inquiéter ainsi pour elle, c'était une manière toute modeste de tenter des remerciements, lui rendre la pareille, quoi.