C’était une belle journée aujourd’hui. Bon, en réalité, le temps était maussade, les gens avaient froids, les nuages assombrissaient les lieux qui devenaient alors terne et déprimants. Mais que voulez-vous, dans l’univers d’Inari, tout est tout beau tout rose, et chaque chose est source d’émerveillement.
Le petit blondinet s’avançait donc gaiement, son lapin en peluche rose entre les bras, un large sourire aux lèvres, dans la grande cour. Ce qu’il faisait ici ? Il se dirigeait vers un banc, avec l’intention de s’y installer pour dévorer quantité de confiseries qu’il sortirait de son sac de cours.

Seulement voilà, à force de flâner, on ne fait pas toujours attention où l’on va. Ce qui devait arriver arriva, Inari heurta quelqu’un et tomba à la renverse. Et malheureusement pour lui, aujourd’hui, il n’était pas tombé sur la bonne personne…

« Oh My Brushing ! Veux-tu faire attention, Mocheté Dyslexique !... »

Kawai-chan n’avait même pas eu le temps de se relever que les injures fusaient à son égard, sifflées par une grande fille, que le gamin connaissait d’ailleurs.
Glory Daisy Marianne Salomon, une riche et jolie demoiselle qu’il valait mieux ne pas chercher, et encore moins amocher d’une quelconque façon. En l’occurrence, notre petit blondinet chéri avait commis l’impardonnable faute de lui abimer un ongle. Catastrophe ! La journée s’annonçait rude ! Et ce pour plusieurs raisons.

La première ? Glory était du genre à se montrer particulièrement rancunière, Inari le savait, de réputation tout du moins. Et étant dans la même classe qu’elle, Kawai-chan était assuré de l’avoir sur le dos toute la journée durant, y comprit pendant les cours.
Deuxième raison : la famille Salomon entretenait des relations de longue date avec les Karusawa. Et même si les deux jeunes ne s’étaient jamais vraiment rencontrés hors de l’école, si Glory venait à parler de l’incident à ses parents, et elle le ferait sans doute, ces derniers en toucheraient deux mots aux siens, et il passerait un sale quart d’heure.
Enfin, dernière raison : l’évènement avait beau être accidentel, Glory s’en fichait, ce qui rendait la situation délicate à gérer.

Face à cette furie qui crachait son venin sur le visage enfantin de Kawai-chan, ce dernier ne pu empêcher ses yeux de devenir humides. Oui, il avait 17 ans, et il pleurait devant les insultes d’une fille. Mais que voulez-vous ? Glory l’effrayait à lui crier dessus, à tel point que le gamin s’attendait presque à voir ses cheveux se transformer en serpents.

« Go…Gome yo, Glory-chan… »

Des paroles bredouillées par un enfant au bord des larmes et sincèrement désolé. Un spectacle face auquel personne ne pourrait rester insensible. Mais Glory était-elle du genre à laisser passer l’affront si facilement ? Serait-elle victime de son apparence de bambin craquant ? Inari n’en savait rien, mais c’est tout ce qu’il avait…

Ta tignasse blonde a besoin d'un bon coup de peigne !

La phrase en elle-même n’avait rien de menaçant. De plus, il était vrai qu’Inari était un poil négligé question coiffure, même si sa coupe du moment était tout ce qu’il y avait de plus mignon. De toute façon, quand bien même il en voudrait une autre, il ne pourrait pas, ses cheveux repoussent systématiquement à cette longueur et de la même façon, et ce à une vitesse ahurissante. Glory pourrait très bien lui raser le crâne, demain matin ses cheveux seraient de retours. Et elle aurait beau donner le nombre de coup de peigne qu’elle veut, mettre autant de laque que possible dans ses cheveux, d’ici ce soir, l’arrangement serait retourné à son état initial. Sa gouvernante s’était déjà essayée à cette lutte sans merci, et il y avait bien longtemps qu’elle avait baissé les bras.

Seulement, Glory, elle, n’en savait rien, et il aurait été bien difficile de le lui expliquer sans risquer de dévoiler l’existence du monde magique. Bien sûr, peut-être qu’elle était au courant de tout, mais cela, Kawai-chan l’ignorait. Le gamin n’eut donc d’autres choix que celui de se laisser faire, à son grand désespoir. Car si sa gouvernante avait déjà beaucoup tenté pour démêler les quelques nœuds sur la tête d’Inari, elle n’était pas allée jusqu’à user de ce véritable instrument de torture que brandissait Glory.
Le pauvre Kawai-chan était donc là, assis, à se faire violemment arracher les cheveux par dizaines. Les larmes lui montaient aux yeux, non pas qu’il était inquiet de voir à quoi il pourrait bien ressembler après ça, on. S’il avait envie de pleurer, c’était parce que ça fait MAL quoi ! Comment pouvait-on être aussi cruel envers un petit garçon sans défense ? Les maltraitances sur mineur ne sont-elles pas punies par la loi ? Pitié, que quelqu’un réagisse et vienne mettre fin à cette infamie ! Mais visiblement, personne ne semblait s’inquiéter du sort du misérable petit Inari.

Kawai-chan restait donc aussi sage que possible, prenant sur lui pour ne pas céder aux larmes, espérant venir voir la fin d’un moment qui ne semblait jamais vouloir finir.

Elle faisait quoi, là ? Elle n'en savait rien. En ce jour d'hiver, elle n'avait pas grand chose à faire. Elle ne connaissait personne, et personne ne semblait disposé à s'amuser avec elle.. la pauvre ! Notre Akiyuki s'ennuyait à mourir, et un petit tour dans la grande cour était la seule chose qu'il y avait à faire. Elle croyait qu'elle repartirait bredouille, sans aucune chose intéressante à faire. La petite Avia, emmitouflée dans son éternel manteau de petit-gris, aperçut non loin de là, sur un banc, un " couple " de personnes apparemment occupées à se refaire une coiffure. Vu de loin, il ne semblait pas se passer grand chose, sinon deux amis qui discutent, mais en s'avançant, le spectacle qui se présenta devant les yeux d'Akiyuki l'horrifia au plus haut point. Un petit garçon - car il se voulait petit, quoi ! - était en train de se faire littéralement arracher la tignasse pars une jeune fille qui n'avait apparemment rien à foutre des douces larmes de l'attendrissant petit garçon. Habillée à la dernière mode, elle semblait être une adolescente prétentieuse dont le look était la seule chose qui l'importait. Que faire, maintenant ? Akiyuki le savait, au fond d'elle. Elle n'était pas la gamine qu'elle se voulait être à l'extérieur. Et si elle oubliait ses principes, et devenait enfin une femme mature ? La première chose qui lui vint à l'esprit est que cette violence devait cesser. Pour que tout se passe bien, elle n'avait qu'à se comporter comme.. elle ? N'écoutant qu' << elle >>, ne pensant qu'à << elle >>, elle s'approcha discrètement du bourreau apparemment trop occupé à maltraiter plus petit qu'elle , et, lorqu'elle fut à une distance respectable, saisit un tas de glace tassée et lui envoya en pleine face. Voyant que la boule lui avait provoquée une légère rougeur sur la joue, elle répliqua avec une pointe d'amusement :

Ta maman t'as pas appris à coiffer correctement les gens ?