Au milieu de cette immense étendue de parquet, perdu au milieu des tables, des bruits de pas se firent entendre. Des petits souliers de cuir, tels qu’on en faisait il n’y a pas si longtemps que ça, c’était eux qui produisaient ces sons. Des sons qui ne résonnaient pas, car il faut des obstacles pour qu’un écho se produise, mais qui s’étouffaient après s’être perdu dans l’horizon infinie. Des yeux acier grands ouverts observaient le décor, tout du moins le peu qu’il en existait pour l’instant. Des tables rassemblées, un grand espace avec seulement du parquet, puis de nouveau quelques tables disposées ça et là, et ceci se répétant à l’infini dans toutes les directions. Aussi loin qu’on y pouvait regarder, il n’y avait rien d’autre que cela, c’était à croire que toute la terre avait été recouverte de parquet verni et de tables en bois. Cependant, un œil observateur, comme celui de la personne qui venait d’arriver, pourrait sans problème distinguer un détail troublant, encore fallait-il prêter attention à l’absence de courbure.

Oui, l’absence de courbure, mais de quoi ? De tout voyons ! De ce lieu ! Regardez l’horizon enfin ! Vous ne remarquez rien ? Oui, du parquet tout plat avec quelques tables, et après ? Et après ce parquet devrait être courbé ! Lorsque vous faites face à l’océan, vous êtes logiquement en mesure de voir la courbure de la planète au loin. Mais là, non, c’était tout plat, assez pour que l’on puisse voir le parquet jusqu’à l’infini, chose qui, lorsqu’on y prêtait attention, pouvait s’avérer particulièrement déstabilisant. M’enfin, détails me direz-vous. Pas pour le nouvel arrivant cependant.

Les bruits de pas s’arrêtèrent, la personne n’avançait plus. Des petites mains se resserrèrent sur une petite poupée en tissu. Le jouet représentait une jeune fille à l’air triste, vêtue de noir, la couleur de ses cheveux si l’on exceptait les deux mèches rouges à l’avant qui lui encadraient le visage. Visage sur lequel on pouvait observer une paire d’yeux dont la teinte rappelait celle de l’acier. Oui, les yeux de la poupée étaient les même que ceux de son propriétaire. Cependant, la ressemblance s’arrêtait là.
Le nouvel arrivant, ou plutôt devrais-je dire la nouvelle arrivante, n’était autre qu’une petite fille, tout juste âgée de 8 ans, peut-être même moins, difficile d’en juger à vrai dire. Une chose était certaine, la gamine était petite et fine. On aurait pu trouver une brindille plus solide. Malgré son jeune âge, elle revêtait l’uniforme lycéen de Mahora, adapté à sa taille, et qui laissait deviner de vagues formes naissantes sous sa veste. Sa jupe était impeccablement plissée, ses vêtements semblaient comme neufs, à tel point qu’on était en droit de se demander si elle les portait en ce moment même. Une longue et raide cascade de cheveux roux lui descendait jusque dans le bas du dos. La couleur de sa chevelure n’était pas totalement uniforme, on pouvait y distinguer des mèches plus claires, avec des reflets blonds, d’autres plus sombres aux reflets rouge-orangés, l’ensemble se mélangeant élégamment le plus naturellement du monde. Enfin, sa peau blanche était impeccable, pas la moindre petite imperfection à l’horizon, aucun grain de beauté, aucun bouton, rien. La seule exception à la blancheur immaculée de son teint se trouvait être les quelques petites tâches de rousseur qui entouraient le petit nez droit et fin de la fillette.

Vous ne la reconnaissez pas ? C’est normal, elle-même ne parviendrait pas à se reconnaître si elle était en mesure de se voir dans une glace. Cette apparence, il y a bien longtemps qu’elle l’avait oubliée. D’ailleurs, elle ne l’avait jamais vue avec un physique de cet âge là. Dharc apparaissait bien plus petite que cela à l’époque de sa première transformation. Oui, cette fillette, c’est bel et bien Dharc, pas Darcy ou Darek, mais bien Dharc Lysen, l’enfant hybride à la mère démone et au père magister, né il y a des siècles de cela, sous son apparence véritable.

La petite Dharc était donc plantée là, face à cette femme encapuchonnée, à cinq mètres d’elle tout au plus. Elle ne bougeait pas, ne souriait pas, ne pleurait ni ne paniquait. Elle se contentait de rester là, ses fines lèvres légèrement violacées, comme victimes du froid, totalement closes, et les yeux grands ouverts, fixant Morpheus en silence. Cependant, à en juger par la façon dont ses mains s’étaient resserrées sur sa petite poupée, on pouvait déceler chez la gamine un certain malaise, même s’il était imperceptible sur son visage.
Finalement, les lèvres de la fillette se séparèrent, et une petite voix cristalline sortit de cet entrebâillement.

« Vous êtes jolie. »

Ces mots prononcés, la petite poupée se transforma. Ses cheveux devinrent blonds, les yeux acier furent remplacés par deux traits, visant à représenter des yeux clos, puis les vêtements sombres se transformèrent en une toge beige dont la capuche vint lui couvrir le crâne ainsi qu’une partie du visage. Dharc, elle, n’avait pas changé d’apparence. Ici, seule sa poupée semblait pouvoir changer de forme.

Une forêt, c'est sombre ... Ça fait peur ... Surtout aux petits enfants. Oui, d'ailleurs, c'est ce que cette petite, effrayée, pensait. Elle courrait entre les arbres, retenant ses larmes qui ne voulaient que couler. Ce qui lui faisait peur, ce n'était pas ces arbres, ni même leur forme étrange et courbée, ni même leur branches en forme de bras ou même les yeux qui avaient été créés par des trous dans leur tronc ... C'était bel et bien ces ombres qui la poursuivaient malgré le manque de soleil dans cet endroit.

L'une de ces ombres ressemblait à une espèce de bête. Dotée de quatre puissantes pattes, ses longs poils étaient très visible, même si la bête était écrasée sur le sol. Oui, c'est une ombre, vous vous attendiez à quoi ? Bref, continuons ... Lorsque la bête levait la tête pour pousser un puissant grognement digne d'un chien enragé, on pouvait voir un bec puissant, ressemblant étrangement à ceux des pires oiseaux de proie.

Une autre de ces ombres représentait un homme tenant un trident dans ses mains, et dont la taille semblait être couverte d'une simple couverture. La troisième ombre semblait être un couple, alors qu'une autre ne semblait même pas avoir une forme humaine. C'était plutôt un cercle brisé. De nombreuses fissures étaient présentes, des fissures qui n'étaient pas de la couleur de l'ombre, mais plutôt de celle du sol. Vu comme ça, ces ombres ne semblaient pas avoir grand chose de réel, mais la petite, elle, semblait les trouver si réelles qu'elle se devait de les fuir.

- Hoe, Arrête de courir un peu ! J'arrive pas à t'attraper !

Ces paroles, prononcées par une voix faisant drôlement jeune, venaient d'échapper de la bouche d'un petit garçon ... Non, pardon, de la bouche de V, car tel est son nom à l'origine. Dans son rêve, comme dans tous ses rêves aussi troublés soient-ils, ils n'étaient pas le rouquin adolescent qu'il est aujourd'hui. Mais que faisait-il à dormir ? Il semblait pas le faire bien souvent ... Disons qu'il s'était endormit quelques minutes plus tôt, tombé de fatigue contre un arbre, près d'une autre personne, après avoir passé une semaine sans dormir. Oui, c'est inhumain, mais que voulez-vous ?

Ces jumeaux, ils ne semblaient même pas avoir un quelconque rapport avec Mahora. Niveau physique, c'était du jamais vu dans l'école. V était légèrement plus grand que cette petite fille après laquelle il courrait. Cette petite n'était nul autre que son clone en version féminine : Cheveux blonds, yeux verrons ... Un bleu et un rouge, pour être plus précis. La petite n'avait pour seul vêtement qu'une très très TRÈS légère robe blanche, lui arrêtant à la mi-cuisse. Malgré le fait qu'elle avait longtemps couru dans la forêt, sa robe n'avait aucune tache. Elle était d'un blanc parfait. Comme si elle était neuve. V, lui, avait des vêtements plutôt habituels de nos jours. En fait, c'était un short noir et un T-shirt de la même couleur. Deux tenues totalement différentes, pour deux enfants qui ne l'étaient pas tant que ça physiquement. À part leur taille et leur tenue, leurs corps semblaient presque taillés de la même façon.

Bref, que faisaient ils au centre de cet endroit, dans un rêve commun ? En fait, les deux enfants venaient de sortir de cette forêt que l'un d'eux deux avaient imaginé, et s'étaient retrouvés ici, dans une allée de parquet ciré. Sans s'en rendre compte, ils avaient totalement changé d'environnement, et s'étaient retrouvés ici. Si ils se retournaient, ils pourraient remarquer cette porte présente derrière eux, qui s'était refermée après leur passage, et qui avait renfermé le monde dans lequel ils se trouvaient derrière. Car oui, la forêt n'était plus visible, seulement une porte dressée au milieu d'un plancher de bois ciré.

Malgré ce changement, leur petit jeu ne s'était pas arrêté pour autant. X, car tel est son réel prénom, courrait toujours jusqu'à ce qu'elle heurte une table sur laquelle elle s'écrasa lamentablement. Suite à ça, ses lamentations se firent entendre. Oui, elle s'était mise à pleurer. D'ailleurs, profitez-en, la personne qu'elle est maintenant dans le présent ne pleurerait jamais de la sorte. Car oui, la petite X est morte, elle n'existe plus, elle est enfouie dans les souvenirs d'une certaine personne qui ne compte plus jamais se faire surnommer ainsi.

- Oniichan, X a maaaal ! X veut pas rester ici ...

Les pleurs de la petite s'arrêtèrent brusquement lorsque son grand frère l'aida à se relever en la prenant dans ses bras. Lorsqu'il redressa la tête, il s'arrêta d'un coup. Qui étaient ces personnes qu'il voyait au loin ? Il n'en savait rien. Lui qui n'avait pas l'habitude de voir autre chose qu'eux deux lorsqu'il rêve, il venait d'apercevoir trois fraises géantes, une petite rouquine et bien d'autres personnes qu'il ne savait pas reconnaître. D'ailleurs, ces personnes non plus ne devraient pas pouvoir le reconnaître, mais qu'importe ? Il est un enfant, il n'a même pas encore 7 ans ! Il a la vie devant lui pour faire des connaissances. ;D

Le bâton de la femme blonde émit une lueur mauve sans crier gare. L’instant d’après, un cliquetis sonore intervint à gauche de Dharc. La rouquine détourna le regard de l’étrange femme encapuchonnée pour regarder ce qu’il se passait. La première chose qu’elle vit fut trois énormes fraises qu’elle n’avait pas remarquées tantôt. Pourtant, à bien y réfléchir, ce n’était pas le genre de détail qui passait inaperçu, sauf peut-être dans un champ de fraises géantes, mais il n’y en avait pas dans les parages, alors…
Derrière les fruits, en revanche, était apparu ce qui avait provoqué le bruit récent : une porte. Une porte en bois, tout ce qu’il y avait de plus banal, s’était dressée au milieu de nulle part, pour qu’une jeune fille en sorte. A l’instant même où les yeux acier de l’hybride s’étaient posés sur la nouvelle arrivante, sa poupée en avait pris l’apparence sans que la rousse n’y prête attention, comme par réflexe.

Tandis que la nouvelle venue regardait autour d’elle pour comprendre ce qu’il se passait, Dharc, elle, se mit sur la pointe des pieds et allongea son cou autant que possible pour regarder par-dessus son épaule. Tout ce qu’elle eut le temps d’apercevoir avant que la porte ne se referme fut un long et étroit couloir, après quoi elle ne pu que regarder le battant de la porte.
Quelques secondes à peine après, de l’autre côté, un nouveau bruit retentit. Dharc se retourna immédiatement et constata au loin la présence d’une nouvelle porte. Cette fois-ci, deux enfants, une fille et un garçon – tous deux blonds – en sortirent assez rapidement. A tel point que la fille heurta une table de plein fouet et s’étala de tout son long. La poupée prit d’abord l’apparence du garçon, qui était resté debout, puis de la fille lorsque ce dernier l’aida à se relever. La rouquine eu tout juste le temps de remarquer quelques arbres dans l’encadrement de la porte avant que celle-ci ne claque. Vraiment, cet endroit était plutôt curieux. Visiblement, les portes semblaient mener à divers endroit, et il en apparaissait une pour permettre à certains arrivants de venir, cependant tous n’y avaient pas droit. Par exemple, Dharc elle-même n’était pas arrivée de cette façon. Alors pourquoi certains pas les autres ?

Curieuse d’en savoir plus, la gamine s’avança vers la porte qui menait à la forêt. Cela lui prit pas mal de temps, même si elle n’était pas située loin. Seulement voilà, la petite rousse avait fait un loooong détour. En effet, au lieu de s’y diriger en ligne droite, elle avait décrit un important arc de cercle, et ce dans le seul but de ne pas approcher les deux enfants blonds qui venaient d’arriver. Pourtant, elle n’avait pas réellement l’air de prêter attention aux lamentations de la blondinette. Alors pourquoi prendre tant soin d’éviter de se retrouver à moins de trois mètres des autres ?
En chemin, la petite fille fut surprise par l’envol soudain d’une nuée de papillons. D’où venaient-ils ? Du plancher pardi. Ces derniers étaient posés dessus, et s’y camouflaient à la perfection grâce à leurs ailes au couleur de plancher verni. Dharc s’arrêta un instant, observant les insectes batifoler joyeusement. Quand soudain, une carpe surgit de nulle part et, dans un bond prodigieux, avala tout rond un papillon qui n’avait pas encore prit assez d’altitude. Après quoi, il plongea dans le plancher, qui remua en petites vaguelettes l’espace d’un instant, avant de se figer à nouveau pour redevenir aussi solide qu’avant. Après l’intervention du poisson, les papillons se dispersèrent et prirent de l’altitude. Certains se posèrent sur une zone plus éloignée du plancher, tandis que d’autres se posèrent sur le ciel, comme s’il s’agissait d’une surface plane telle un plafond, et changèrent de couleur afin de se confondre dans l’étendue bleu azur.

Mais bon, tout ceci, contrairement à l’arrivée inopinée des autres personnes, semblait tout à fait naturel aux yeux de la fillette. Elle ne s’étonna donc pas de la présence des papillon-caméléons ou de la carpe nageant dans le plancher, et se concentra sur la porte qui se dressait désormais devant elle. La petite fille rousse l’observa en silence sous toutes les coutures pendant un moment, tournant autour, constatant que la forêt ne se trouvait pas derrière, tentant vainement de tourner la poignée pour se rendre compte qu’elle était verrouillée. Après tout, c’était normal, ce qui se cachait à l’intérieur de cette porte, ce n’était pas son rêve, ni même ce lieu commun. Non, ce qu’elle cachait, c’était leur rêve à eux, ces deux enfants blonds qu’elle n’osait approcher. Il était donc logique qu’ils soient les seuls à pouvoir pénétrer à l’intérieur de cette forêt… A moins bien sûr que quelqu’un ici ait un quelconque pouvoir tel que celui de pénétrer les rêves des autres. Auquel cas, bien évidement, il deviendrait possible à cette personne d’ouvrir n’importe quelle porte et d’y pénétrer… Ou de faire sortir ce qu’il y avait à l’intérieur.

A cette pensée, les yeux acier de Dharc se posèrent sur cette étrange personne qui se cachait dans sa toge. Immédiatement, comme à son habitude, la petite poupée que l’hybride tenait copia la femme qu’elle regardait. Cette personne semblait la seule à ne pas s’étonner de voir ainsi débarquer des gens de nulle part. Peut-être n’était-elle pas inconnue à leur présence. Et puis ce bâton, qu’elle tenait et qui semblait briller chaque fois qu’un évènement se produisait, il était plutôt étrange. Oui, c’était un fait, la gamine commençait à comprendre ce qui se passait, et qui en était responsable.

« Wendy, il ne faut pas que tu viennes dans cet endroit! C'est mal! La fée Clochette va te... Oh... Écoute! Les plus grands doivent protéger les plus petits! Prends donc mes lunettes pour te protéger de leur pouvoir maléfique, Wendy, toi qui importe tellement dans toute cette histoire, et sauve-toi! Et surtout, fais bien attention à ce qu'on ne te les enlève pas, jamais! C'est une question de vie ou de mort! »

Inutile de pousser un quelconque « Eh ?! », de croire que c'était impossible, non ... Loin de là ! En fait, la petite Wendy-X s'était contentée de cligner des yeux un moment le temps d'ajuster sa vue à ces lunettes. Oui, car c'est un rêve. Même si les lunettes de Tamao n'étaient pas ajustées correctement pour elle, elle voyait très bien.

En voyant ce garçon s'éloigner d'elle, la petite X se contenta de se séparer des bras de son frère. Elle fit un léger saut, aussi étrange que cela puisse paraître, en plaçant ses bras à côté de son visage, un peu comme une des quatre filles dans l'opening de Lucky Star pour une référence plus claire.

- H-Hai desu !, prononça-t-elle sur un ton peu sûr d'elle-même. Je ne vais pas les enlever !

Oh oui, elle est naïve. Elle a cru tout le charabia de ce garçon, comme si il y avait une quelconque logique, et comme si elle voyait un rapport entre elle et cette Wendy. Bien sûr, la petite n'avait jamais entendu l'histoire dans laquelle elle apparaît, c'est évident. Seulement, celle/celui qu'elle était en réalité, elle/il, la connait bel et bien. Même si la petite X ne comprenait pas trop, ce qui est plutôt normal dans un rêve, elle semblait savoir quand même que Wendy, à un moment dans l'histoire, pouvait voler grâce à de la poussière. De la poussière de fée.

Voyant le garçon s'éloigner, X se contenta de regarder autour d'elle. Elle commençait à comprendre la surprise de son frère, il y avait donc plusieurs personnes dans cet endroit perdu ? Le pire, c'est qu'un plancher de bois éternel, elle n'aurait jamais rêvé à ça ... Sauf si ... M'enfin bon.

- Demo nee ... Si X est Wendy ... X peut voler ?

La petite fille regarda ce qui servait de ciel à l'endroit un instant. Son regard était exactement celui d'une enfant émerveillée devant une telle beauté. De toute façon, à cet âge, à 6 ans, c'est exactement ce qu'elle est. La petite sauta un coup. Malgré cette poussière de fée qui tombait sur elle, elle ne pouvait pas voler. Même si, si elle étais dans l'histoire en question, elle y arriverait ... Elle en était incapable. X ... Cette petite, elle n'a jamais vu le ciel, elle a toujours été gardée à l'intérieur. Toujours été enfermée, incapable de pouvoir voler de ces propres ailes. Ça explique pourquoi elle, même dans son rêve, elle était incapable de voler.

Bref, après avoir sauté, la petite retomba à genoux par terre. Elle regarda ses mains avec lesquels elle avait « stoppé » le sol. Ces dernières étaient en très bon état, ne lui faisaient même pas mal ...

- ... X veut voler aussi ..., commença-t-elle sur un ton triste, avant de reprendre. Ah ! Un bonbon !

Oui, elle venait de remarquer un bonbon dans le sol, incrusté dans le sol. Elle plongea donc sa main dans ce plancher de bois, le transperçant pour récupérer ce bonbon. Le problème c'est que ... HORREUR !! Lorsqu'elle avait retiré sa main, elle avait prit une teinte brune foncée, et des goûtes tombaient après avoir roulé le long de ses doigts. C'était ... De la même couleur que le sol, c'est à dire un mélange de brun pâle et foncé. Les goûtes retombaient sur le sol en remplissant ce trou qu'elle avait formé après avoir plongé sa main dans le sol.

- Bêêhw~... Le bonbon de X dégouline de sueur de plancher de bois ...

... De la sueur de plancher de bois ?

Plus loin, un simple soupire se fit entendre. Contrairement à sa soeur, V, lui, regardait la scène d'un air plutôt perplexe. C'était même plutôt mature vu son jeune âge. En fait, il était plutôt inquiet que perplexe. Maintenant que ce bonbon était sal, est-ce qu'elle allait ... pleurer ?

La petite rousse écoutait les explications sur cet endroit sans piper mot. Voyons voir, cette femme décrivait le monde des rêves comme étant le sien. Elle était donc la déesse Morphée ? Dharc ne l’avait pas imaginé tout à fait comme cela, même s’il y avait certaines ressemblances avec la représentation qu’elle s’en était faite.
Ensuite, venait cette histoire de porte de sortie. Si on quittait le monde des rêves grâce à cette porte, cela voulait dire qu’elle était le seul moyen de se réveiller, non ? Mais si on ne parvenait pas à la franchir, qu’advenait-il ? Après tout, Morphée semblait contrôler cet endroit, qu’est-ce qui lui empêchait de tous les retenir ici ? Il restait donc encore quelques petits détails à connaître, et une seule personne en ces lieux pouvait en dire plus à ce sujet.
La petite Dharc tenant toujours sa poupée à l’effigie de Morphée, s’avança donc vers la déesse du sommeil afin de lui poser quelques questions. Enfin, s’avancer, de façon modérée bien évidemment, c'est-à-dire que la gamine avait laissé quatre bons mètres entre elle et son interlocutrice. La rouquine était donc là, debout, plantée face à cette étrange personne qui contrôlait l’endroit, la dévisageant comme en attente d’une quelconque réaction de sa part. Elle ne semblait pas être perturbée par les cris du garçon à lunette, même si le bruit ne lui plaisait pas vraiment.

« Vous êtes jolie. »

…Ça, tu l’as déjà dit ma grande, essaye autre chose.

« Est-ce que vous… »
Je n’ai plus mes lunettes ! Pitié ! ARRÊTEEEZ !

La petite fille s’interrompit, visiblement troublée par les hurlements de plus en plus bruyants du garçon. Ses yeux acier semblèrent s’agiter tandis que sa respiration se faisait haletante. Les mains de Dharc resserrèrent leur étreinte sur la poupée qu’elle tenait. Trop de bruit, il faisait trop de bruit…
Une nouvelle fois, la petite ouvrit la bouche pour formuler sa question, une nouvelle fois elle fut interrompue. Cette fois-ci, elle se retourna vers le responsable.

ARRÊTEEEZ !
« Faut pas faire de bruit ! » lança-t-elle d’un air paniqué.

Mais le garçon ne l’écoutait pas, il ne semblait même pas l’entendre.

Kyaaaah !
« Aaaaaaaaah ! »

Cette fois-ci, c’en était trop. La rouquine n’avait pas supporté le dernier cri du garçon myope et s’était bouché les oreilles et avait fermé les yeux en poussant un hurlement strident. Un grincement, le son un objet qui fouette, puis le silence total. Dharc s’aventura à ouvrir un œil, puis l’autre. La première chose qu’elle vit, ce fut le garçon bruyant qui se débattait sur le sol, complètement paniqué. Une sorte de racine avait jailli de nulle part pour le bâillonner, et il se démenait maintenant pour essayer de la retirer en poussant des cris étouffés. Visiblement, Dharc était responsable de ce qui arrivait au pauvre gamin. Elle n’avait pas supporté le bruit au point de vouloir le réduire au silence en faisant apparaître cette racine.

« Faut pas faire de bruit, répéta-t-elle, sinon je n’arrive plus à le cacher ! »

Cacher quoi exactement ? Pour le savoir, ou en tout cas s’en douter, il suffisait de regarder aux pieds de la petite rousse. Sur une petite zone, un mètre de rayon tout au plus, le plancher avait prit un sacré coup de vieux. Le verni s’était écaillé, le bois était pourri et rongé par les mites, les planches en bois mort étaient recourbées sur les bords et les clous qui les tenaient étaient couverts de rouille. Pour finir, juste devant elle, quelque chose était sortit du sol et avait entamé de se dresser : deux petits morceaux de bois, séparé de plusieurs dizaines de centimètres, parfaitement verticaux, et qui montaient jusqu’aux genoux de la gamine. Il s’agissait en réalité de la base d’une porte qui avait commencé à pousser. Voilà ce que Dharc voulait cacher aux autres, son rêve, celui-là même qui commençait à s’incruster dans ce monde en faisant apparaître un plancher pourri.

Complètement paniquée, mais tentant désespérément de garder son calme, la rouquine se tourna vers Morphée. La respiration haletante, les yeux qui se remplissaient de larmes, elle s’adressa à la sorcière des rêves.

« Effacez-ça ! » supplia-t-elle.

- Mon ... bonbon ...

La petite X s'était redressée, fixant d'un air démoli son bonbon qui, d'après les conneries qu'elle dit sans s'en rendre compte, dégoulinait la sueur de plancher de bois. Vous savez, c'est ce genre de connerie dont vous vous souvenez en vous réveillant, et qui vous restent dans la tête toute la journée parce que vous vous demandez pourquoi vous avez dit ça ... Pour X, c'est à peu près ça, sauf que lorsqu'elle se réveillera, soit elle ne s'en souviendra pas, soit elle va complètement regretter d'avoir dormit cette nuit là, chose qui arrive plutôt souvent. La petite s'était finalement mise à marcher, puis avait accélérer pour se jeter dans les bras de son frère, marmonnant quelque chose à propos de son bonbon alors que des larmes commençaient à se créer sur son visage. La petite fut coupée par une voix qui s'était élevée dans la dite pièce.

« Bienvenue dans le monde des rêves, enfin, le mien. Sachez que tout est possible ici, même vos rêves les plus fou et les plus astucieux. Vous avez la possibilité de changer l'aspect de l'environnement à votre guise, ce que j'ai choisis n'est que ce qui me passait par la tête. Il n'y a rien de maléfique ici, sauf si vous voulez que je transforme ce rêve en cauchemar. »

Alors que le vrai V, celui qui dort actuellement, aurait lancé une remarque désagréable à cette dame sous prétexte qu'elle n'est pas originale, ni lui ni même sa soeur n'avaient daigné faire un commentaire sur le discours de Morphée. La petite X se contentait de rester dans les bras de son frère en regardant cette personne qui, pour être franche, l'effrayait assez, comme bien des choses. D'ailleurs, elle resserra ses bras autour du corps de son frère, clignant des yeux maintes fois en silence. La pire réaction de la petite fille fut lorsqu'elle aperçut les fraises qui se changeaient en monstre. Sa première réaction fut de serrer une part du T-shirt de son frère dans sa main, se collant plus à lui et couvrant ses yeux.

- X a peur ... X veut pas mourir ...

Oui, pour la petite X, mourir dans un rêve signifiait qu'elle n'existerait plus en réalité. Elle n'est personne, elle n'existe pas. Elle n'est rien d'autre qu'une enfant naïve et peureuse n'existant plus depuis de nombreuses années dans le monde réel. Finalement, les fraises finirent par disparaître, laissant la Dame prononcer d'autres paroles qu'X écoutait malgré son état de terreur.

« Pour ceux qui se lasse de ce monde peuvent se permettre de prendre cette porte pour partir d'ici. Mais je le part tout le monde se trouvera dans le monde réel comme si rien ne c'était passé. »

« Vous êtes jolie. »

Ce fut la seule chose que la petite X entendit après avoir entendu les paroles de Morphée. Entendant la voix de cette petite rousse, elle avait lâché le chandail de son frère, puis avait enfin tourné la tête pour pouvoir se rendre compte de ce qui se passait.

« Est-ce que vous… »

Et voilà que la rouquine dont X ignorait le nom était coupée par le binoclard-sans-lunette qui criait. D'abord, la petite X ne réagit pas. Pas tout de suite en tout cas. Puis, une autre fois, le garçon cria, la rouquine réplique ... Puis il cri ... Et elle cri à son tour. Encore une fois, X ne mit pas longtemps avant de se réfugier à nouveau dans les bras de son frère, cachant complètement sa tête dans son T-shirt en pleurant. Ce bruit la dérangeait. Comme ces nouveaux nés qui pleuraient lorsqu'un autre pleurait, énervé par le bruit. Décidément, ce monde est remplis d'enfants, et ça fait pas mal pitié quand on y pense.

- Oniichan, X veut rentrer ... X a pas vu Papa depuis longtemps ... Elle veut le voir ...

- Alors viens, on rentre.

Sur ces paroles, le garçon désigna la porte. X détourna légèrement la tête pour voir ce qu'il pointait, puis se cacha à nouveau.

- X veut pas emprunter cette porte ... !

... Ça commence bien.

« Arrête de penser, ne pense plus à ça. Pense à autre chose. C’est toi qui créer cela, c’est toi qui doit l’arrêter, si tu veux que cela s’arrête, cela s’arrêtera. Fait le vide en toi pense à autre chose. Si tu n’y arrive pas alors je ferai quelque chose. »

En entendant ces paroles de la part de Morphée, la petite X lâcha enfin son frère, faisant quelques pas pour s'en éloigner. Elle laissa sa tête balloter un peu, avant d'arrêter. Elle pensait simplement que ces paroles s'adressaient à elle, bien que ce n'était pas du tout le cas.

- Imouto, elle te ...

Finalement, V s'arrêta. Lui dire qu'elle lui parlait pas ne ferait que la rendre plus triste, non ? C'était quelque chose qu'il ne voulait pas vraiment, la rendre triste ... En fait, il déteste la voir pleurer même si souvent, il n'y peut rien. Elle veut voir son père ... Mais c'est sûrement impossible ... Que vouliez-vous qu'il lui dise ? Qu'elle ne le reverra pas avant un moment ? ... Bon, elle peut toujours l'imaginer et le faire apparaître dans un rêve, mais il ne serait sûrement pas aussi réel que le vrai qu'elle aime tant, celui dont la douce voix l'aide à dormir le soir. Et pour ceux qui n'ont pas comprit, cette phrase n'a rien de sérieux.