Et prends garde en rentrant, hein? (Libre)

La fin d'après-midi, dans une grande ville avec ce qu'il faut de monde. Ce qu'il faut, parce qu'on se sent mal à l'aise de marcher s'il n'y en a pas assez, et parce qu'on ne peut tout simplement plus marcher lorsqu'il y en a trop. Ceci dit, Tamao n'était pas tout seul ce jour-là, et ce n'était pas plus mal, sachant qu'il ne regardait pas devant lui quand il marchait. En train de faire des mises à jour sur son portable en pleine marche, maniant l'appareil d'une main avec dextérité, Tamao revenait du magasin d'électronique, escorté par une certaine Kyoui. Chotto. Kézaco? C'est qui cette Kyoui? C'est une fille?! Tamao trompe Misaki?! Heh, non, ça n'avait rien à voir. Du moins, espérons-le.--" Kyoui est un androïde, dont Tamao avait reçu la responsabilité quelques temps plus tôt. Ceci dit, pour l'instant, elle lui apportait bien plus qu'il n'avait pu lui apporter, en réalité. Si Tamao, tout maladroit qu'il était, avait passé ses derniers jours à commencer à apprendre la vie à Kyoui, il fallait dire aussi qu'elle lui rendait bien des services. Depuis qu'elle était là il arrivait bien moins souvent en retard, mangeait mieux, trouvait des infos informatiques plus vite et savait mieux se mettre à jour en vue de son budget. Tout ça, c'était Kyoui qui le calculait. Ça faisait partie de ses programmes. Et c'était aussi elle qui avait fait la régisseuse au magasin d'électronique, évitant à Tamao de perdre du temps à faire des calculs sur ses prix. Rien ne vaut la raison d'un robot face au coeur humain, dans ce genre de cas... Et c'est le meilleur moyen de régler sa vie, chose que Tamao, avouons-le, n'avait jamais su faire tout à fait bien.

Héhé! Pour une fois que je repars pas les mains vides à force d'avoir trop hésité... Merci, Kyoui!

De rien, petit maître. Je sers aussi à ça après tout.

Sourire en coin de Tamao. Non seulement il était bien content d'avoir bien investi aujourd'hui grâce à l'aide de Kyoui, mais en plus il était satisfait de constater que cette dernière commençait à prendre le réflexe d'utiliser des expressions courantes pour varier un peu son champ de paroles. Étrangement, la jeune fille-robot avait pris l'habitude d'appeler Tamao "petit maître" —bien qu'elle ne soit pas spécialement plus grande que lui en quoi que ce soit— et se tenait à cette façon de le nommer. Mais Tamao ne la contredisait pas. Après tout ça n'avait pas tant d'importance que ça... Et puis c'était déjà mieux que ce "Monsieur Tamao" dont elle l'avait affublé le jour de sa naissance! ...Finalement le petit binoclard s'arrêta et se tourna vers l'androïde qui marchait à un ou deux pas derrière lui ; Kyoui s'interrompit elle aussi, faisant suite à son propriétaire.

Eh, Kyoui, tu m'as été d'une aide précieuse aujourd'hui et qui plus est tu m'as suivi sans arrêt toute la journée... Tu pourrais peut-être aller faire un tour toute seule avant de rentrer, j'ai encore quelques réglages à faire sur mes prototypes et je pense que je peux me débrouiller tout seul... Ça te dit?

Si vous le voulez ainsi je le ferai... Mais êtes-vous certain que vous laisser rentrer tout seul n'implique pas un risque? Vous pourriez vous retrouver dans une situation dangereuse dans laquelle je ne pourrais intervenir qu'après un laps de temps donné...

Huw! De quoi? Hey, je te signale que t'es née y a quelques mois seulement et qu'avant que tu sois là je me débrouillais très bien tout seul!

Tamao était un peu piqué au vif par cette remarque, il est vrai. Son propre robot qui joue les donneurs de leçons et qui se fout de lui exactement comme tout le monde... C'était un peu fort! Heureusement Kyoui abandonna vite l'idée et sourit simplement.

Puisque vous le dites. De combien de temps vais-je disposer?

Mmh... En ce moment, le soir tombe tôt, mais je préfère quand même que tu sois rentrée avant la nuit... Je te laisse te définir toi-même une heure en fonction de ça. Jaa nee!

Entendu. Soyez prudent en rentrant, petit maître. À plus tard!

Et tandis que Tamao s'éloignait en faisait signe de la main à cette fille étrange qu'il traitait un peu comme une petite soeur, Kyoui passa en mode autonome et se retrouva à marcher seule à l'aventure, dans la ville. Ces moments-là étaient rares —à peu près une ou deux fois par jour, tout au plus, elle y avait droit— et tout à fait uniques ; pas mieux que les autres quand on y pense, peut-être pas, mais uniques car c'était le seul moment de son quotidien où elle avait la liberté totale de découvrir par elle-même. C'était le moment où elle pouvait revenir avec des questions et les poser à Tamao après ce temps de liberté... Kyoui souriait tout en marchant, le sourire étant l'expression du visage qu'elle avait prise par défaut.

Le temps de découverte libre peut commencer... Maintenant.