Qu'est-ce qu'elle vient faire ici ? [ Pv Rhéaty ]

Il était plutôt tard. Si on devait mentionner l'heure exacte, je dirais qu'il n'était pas loin des vingt-deux heures trente. L'île bibliothèque était vraiment magnifique aux alentours de cette heure là : les lampadaires et les multiples lumières allumées à l'intérieur lui donnaient un aspect accueillant et réconfortant malgré la froideur et l'obscurité qui avait pris sa place à Mahora. En ce jour, personne ne courait les rues, et les rares adeptes de l'île bibliothèques qui y siègaient encore à cette-heure étaient sûrement en train de travailler, de remettre les livres en place.. Bref, de veiller à l'entretien de la bibliothèque légendaire. Pourtant, à l'extérieur, quelqu'un veillait. Une lampe torche à la main, enveloppée sous un gros manteau fourré, la frileuse Nanaho Kago restait immobile, balayant de temps en temps le paysage à l'aide des moyens de bord. Que faisait-elle ici ? D'ordinaire, elle aurait été dans sa chambre au foyer, en train de dormir, ou bien de discuter d'une quelconque nouveautée intéressante ? Au pire des cas, elle serait en train de manger des bonbons dans le jardin, ne trouvant pas le sommeil nécessaire cette nuit là. Quoi qu'il en soit, personne ne savait ce que Kodomo-Chan venait foutre à l'île, et, d'abord, en quoi est-ce important ? Toujours est-il qu'elle y était, pétrifiée par le froid ( et l'effroi ) de cette nuit glaciale.

Beuuuhh, je crois qu'elle n'a pas pût venir, finalement. M'enfin, pas grave, ça m'a permis de faire un peu le tour du propriétaire.

A ces mots, Nanaho s'étira longuement, étouffa un baillement et entreprit de rentrer au foyer. Après tout, c'était interdit de ce balader dehors la nuit, et Nanaho venait de bafouer la règle. Il fallait qu'elle rentre vite avant que l'on s'aperçoive de son abscence. Cela valait mieux. Mais au moment où elle allait franchir l'énorme portail par lequel elle était entrée, elle entendit un bruit de pas derrière elle, et se retourna lentement. Elle ne parla pas, ne fit pas de gestes brusques. Généralement, agir ainsi montrait à celui ou celle qui nous traquait qu'on avait peur de lui, non ?

Vingt-deux heures trente à peu près, peut-être plus ... C'est encore bien trop tôt pour chasser, Même si les insectes, à cette heure, ont déjà commencé leur cacophonie nocturne. Une cacophonie quand même assez lointaine, puisque ces petites bêtes semblent préférer la forêt comme scène pour leur orcheste quotidien. Mais bien que cette représentation puisse empêcher plusieurs de dormir, voir même énerver quelques personnes, aux oreilles de Médusa, c'est plus qu'agréable. Elle entend très bien, il n'y a aucun problème à ce niveau là. Elle ne fait qu'adorer le bruit de son repas se manifestant si tôt. D'ailleurs, malgré ce qu'on peut croire, elle préfère de loin manger les insectes que quelque chose de plus grand qu'elle ... « Les petites bêtes ne mangent pas les grandes » comme qui dirait.

Oui, Médusa avait donc décidé de se rendre à l'île bibliothèque avant même de manger ce soir. Il faut dire qu'elle supporte très bien la faim, et vu son corps vraiment petit pour ses 15 ans (bientôt 16), elle ne doit pas beaucoup manger pour être en forme. De toute façon, vu son « je m'en foutisme » habituel, manger ne doit pas être dans ses priorités. Lire est beaucoup plus important pour cette créature, dont les courts cheveux bleus, son corps sans forme et sa manière d'agir laisse douter sur son genre. C'est sûrement à cause de cette passion pour la lecture que la cadette Hopper se rend à l'île bibliothèque si souvent, même après avoir passé deux ans à l'école Mahora.

Voilà donc qu'à peine allait-elle traverser le portail menant à cet endroit qu'elle avait remarquée une petite fille, gelée, qui se retournait lentement vers elle. « Petite » n'était peut-être pas très approprié, surtout si c'est Médusa qui le dit, parce que du haut de son mètre 38, elle est encore plus petite, bien qu'elle était sûrement plus âgée. Le pire avec une si petite taille et un corps d'enfant comme le sien reste les insultes, et essayer d'attraper un livre dans l'île bibliothèque ... Bref, la gorgone s'arrêta en voyant que la jeune fille se retournait vers elle. Si elle avait ne serait-ce qu'une part d'humanité, elle aurait rapidement comprit que cette petite avait raison d'avoir peur - du moins si c'est le cas - vu qu'il est quand même assez tard ...Mais justement, Médusa ne le comprenait pas, elle qui préférait se promener de nuit. Cela ne l'empêche pas d'avoir remarqué que les Hommes n'aiment pas trop sortir tard.

- ... T'es perdue ?, se contenta de demander la créature, sans plus de politesse.

Bof, il est tard quand même, et elle est pas de mauvaise humeur ... Elle va pas la traumatiser.

Perdue ? Nanaho ? Humm.. Non, perdue ne serait pas le mot approprié. Disons plutôt.. fâchée. D'avoir été abandonnée à cette heure en pleine nuit par une soi-disant amie qui était censée venir la chercher pour une soirée d'enfer. Bof, la soirée d'enfer, si c'était ça.. Nanaho regarda de la tête aux pieds l'inconnue, si s'en était une. Elle la reconnut alors.. C'était Médusa, qui était elle aussi au collège Mahora, en 3ème. Elle ne la connaissais que de vue, et ne savait pas grand chose d'elle. Jugeant poli de lui répondre, elle murmura d'une petite voix :

Non, non. Je me baladais, juste. Mais merci d'avoir posé la question.

Que répondre de plus ? Elle ne savait pas vraiment comment se comporter face à Médusa, dont la petite personne était assez célèbre au sein de Mahora. Si elle faisait un faux pas, que se passerait-il ? Bah, elle s'en foutait, après tout.. Que pouvait-il bien lui arriver, seule avec la jeune fille ? Celle-ci était sûrement d'ailleurs venue ici pour lire, et, jugeant intéressant de converser avec la nouvelle arrivante, elle lui dit, toujours avec sa petite voix étouffée par le froid :

Je suis Nanaho Kago.

- Ore-sama wa Hopper Médusa. Mahora no Ou-sama.

Prétentieuse, oui. Rien de bien étonnant de sa part : Ore-sama, aucunement polie, et aucunement enchantée. C'est pas qu'elle a un sale caractère dans le même genre que celui de ces fausses sadiques qui disent haïr les humains pour être comme celles qui, comme Médusa, imposent leur autorités à ces petites vermines. Vermines, parce qu'ils ne valent pas mieux qu'une créature répugnante dotée de poils ... Erk, comment elle hait ça, ces bêtes gigotantes ! Le pire c'est quand ces bestioles sont libres et pas dressées ... Ou quand ils sont un peu trop bien dressés et deviennent collants. Erk.

- Tant mieux si t'étais pas perdue, je comptais pas vraiment t'aider de toute façon.

La jeune fille haussa simplement les épaules. Elle n'avait pas prit de ton méchant, juste normal. Elle disait qu'elle ne l'aurait pas aidé parce que si elle aurait voulu retourner à l'intérieur, elle aurait pu se contenter de suivre le chemin de Médusa, et de la suivre lorsqu'elle retourne au foyer ... Mais le problème reste qu'elle ne va pas au foyer. Bof, à la limite, il est toujours possible de la suivre jusqu'à l'école, après tout, elle n'a pas vraiment le choix de passer par là ... Mais ça ira à plus tard, car là, elle avait surtout envie d'aller lire. Cette petite avait beau être nouvelle, ou pas, elle ne l'intéressait point. Médusa ne s'intéresse qu'aux personnes qu'elle connait déjà (très logique je sais), et cette jeune fille en fait pas partit ... Encore heureuse qu'elle n'ait pas l'air cruelle et froide, parce que si c'était le cas, Médusa l'aurait sûrement déjà remit à sa place. Tss, comment elle les déteste ces personnes qui se pensent pour quelqu'un !

* Mmm... *

Nanaho considéra un instant Médusa, et ne pût s'empêcher de frissoner. Exactement comme elle se plait à se décrire, Ore. Une fille qui n'avait sûrement aucune notion de la politesse, voir du respect envers les autres. Mais Nanaho ne connaissait aucunement Médusa, n'en avait entendu parler qu'une ou deux fois, et ne se permis pas de se forger un jugement hatif. Car, après tout, si les gens faisaient tous ça, ils n'y aurait plus de sociabilité, n'est-ce pas ? Elle allait lui répondre par un " Enchanté ", néanmoins sans aucune réjouissance. Malgré que la première impression ne soit jamais la bonne, Nanaho restait tout de même sur ses gardes. Mais la phrase prononcée par Médusa dans les secondes qui suivirent confirmèrent le fond de sa pensée.

- Tant mieux si t'étais pas perdue, je comptais pas vraiment t'aider de toute façon.

Une magicienne, probablement. Mais pas quelqu'un de respectable aux yeux de Nanaho. Lui adresser une répartie cinglante ? C'est ce que la plupart des jeunes filles auraient fait, mais Kodomo-Chan n'était pas vraiment de ce genre. Jugeant plus courtois de rester calme, de ne pas s'énerver pour une remarque aussi bégnine soit-elle, elle haussa juste les épaules et répondit avec un petit sourire. Narquois ? Pas du tout. Juste d'une sincérité prouvant qu'elle s'en foutait royalement.

Alors, dans ce cas-là, généralement, on n'pose pas la question.

« Alors, dans ce cas-là, généralement, on n'pose pas la question. »

- Tssk.

Un soupire sec fut la seule chose que la gorgone laissa s'échapper. Elle avait posé la question par simple politesse, ou quelque chose qui y ressemblait. C'est pas comme si elle en avait quelque chose à battre de voir quelqu'un lui répondre de cette façon, mais elle voyait cela d'une toute autre façon ... Oui, elle aurait pu laisser cette gamine dehors et rentrer dans l'île bibliothèque pour faire ce qu'elle a à faire ... Le lendemain, elle ne l'aurait peut-être jamais revu, qui sait. Elle aurait pu se faire tuer par un de ces pseudos sadiques qui veillent le soir juste parce qu'ils veulent se la croire. Parce qu'aux yeux de Médusa, et des miens, des vrais sadiques il n'en a plus beaucoup. Elle et Iris, limite Kû-Fei ... Les autres n'étant que des sadiques qui en veulent aux humains pour une raison insignifiante, du genre « moi je suis un démon et je vais te buter parce que je t'aime pas ! » ou pire encore « mon père m'a maltraité donc je hais les humains » ...

- J'aurais pu me contenter de passer mon chemin en te laissant dehors. Ça m'aurait pas dérangé de pas te revoir demain et les jours qui suivent.

Oui, en gros, elle avertissait Nanaho qu'elle risquait gros si elle restait dehors ... Mais ses avertissements sont rien de bien précis, surtout que venu d'une créature comme elle, on pourrait ne pas la prendre au sérieux. Vu sa petite taille aussi d'ailleurs. Elle ressemble à un enfant de 12 ans qui raconte une histoire qui fait peur le soir pour faire flipper son interlocuteur ... Alors que c'est pas mal vrai que cette école est dangereuse le soir ... Malheureusement pour les gens, comme Médusa, que ça exaspère.

Il ne faut pas prêter attention à certaines paroles qui peuvent se montrer blessantes. Nanaho est ainsi, encaissant toujours les remarques les plus désagréables sans jamais rien laisser paraître... Sauf peut-être une expression artificielle. Une fausse moue, un faux sourire. En ce jour, elle ne ressentait pas grand chose suite aux railleries de Médusa.. Si c'en était. Si elle était bel et bien sérieuse, qu'elle s'en foutait complètement de ne plus la revoir dans les jours qui suivent , qu'est-ce que Nanaho pouvait bien foutre avec elle, alors ? Dans ce cas, elle devenait ininteressante. Du moins pour Nanaho. Pourquoi perdre son temps avec une personne qui n'éprouve rien à son égard, pas même de la haine, ni du dégoût ? Nanaho se contenta de soupirer à son tour, puis de sourire. D'une manière affreusement vraie.

Tu aurais pu, oui. Mais ce n'est pas le cas.

Considérant Médusa d'un rapide regard, elle s'aperçut que la pluie commença à tomber et ruisselait sur ses vêtements. Avait-elle froid ? Nanaho, étant très frileuse, sentit ses poils s'hérisser sur ses bras blancs.

Heu.. Tu veux toujours aller lire ? C'est que, en pathétique collègienne que je suis, je commence à avoir un peu..froid.