Cher journal,
Aujourd’hui, c’est le grand jour, je visite l’école dans laquelle je vais étudier. Je n’ai pas pris mes affaires pour éviter de m’encombrer et j’ai laissé Zehn à la maison. C’est le genre d’occasions où j’aimerais qu’elle soit là, mais il faut que j’apprenne à m’orienter toute seule ici, elle ne sera pas toujours là pour me sortir de pétrin. La semaine de cours ne commence que demain, alors je n’ai pas classe, ça me donne l’occasion de faire du repérage. J’espère que les gens de ma classe ne seront pas trop coincés, je galère un peu à m’entendre avec ces gens là…

Scratch ! La plume du stylo gratte une dernière fois le papier. Clip ! Le bouchon se referme. Clap ! Une main referme le journal intime. Clic ! Il se verrouille immédiatement. La gamine caresse la couverture du doigt avant de ranger son ouvrage dans une petite sacoche qu’elle porte en bandoulière et qui ne sert qu’à ça.
La petite Bug – jusque là assise en tailleur à même le sol devant Mahora – se leva, épousseta un peu sa jupe, et prit une profonde inspiration. Elle regarda l’entrée avec une légère appréhension, comme si un tout autre monde se trouvait de l’autre côté de ce portail ouvert. Puis son regard devint soudain sérieux, et elle s’avança alors d’un pas assuré dans l’enceinte de son nouveau collège.
L’endroit était plutôt grand, il faut dire qu’elle était habituée à des lieux plus modestes, et surtout moins ouverts. A l’exception peut-être de sa dernière école, mais ça, elle ne préfère pas y penser, bien trop angoissant. Là, c’était juste un peu intimidant, mais elle parvenait malgré tout à rester digne et confiante. Comme quoi, c’est pratique d’être capable de faire abstraction du reste du monde.

Il n’y avait pas grand-monde aux alentours. Il faut dire que ce n’était pas un jour de classe, et qu’en plus c’était le matin. A ces heures là, même les internes doivent dormir pour la plupart. Oui, j’ai décidé que c’était le matin, ça me change un peu. Après tout, entre Darcy qui veille jusqu’à point d’heure, Darek DF qui ne dort jamais car j’ai décidé qu’il était grosbill à ce point, Inari qui a le réveil mauvais, les jumeaux qui travaillent principalement la nuit, et le mime aux horaires complètement random, il en fallait bien une qui soit matinale dans tout ce tas.
Alors il faisait froid, humide, et Kirima commençait sérieusement à regretter de n’avoir rien mis d’autre que cette foutue jupe pour couvrir ses jambes. Mais bon, il fallait bien qu’elle froisse et tache un peu cet uniforme avant de faire sa rentrée, sinon elle serait encore moins à l’aise de porter des choses qui ne sentent pas comme elle devant des gens qu’elle ne connaît pas. Donc elle se les pelait grave, mais elle ne se laissait pas abattre, elle était Starship Trooper donc elle avançait, digne, sereine, imperturba—

Elle ne les avait aperçu que du coin de l’œil, mais impossible de s’y tromper, c’étaient bien des feuilles qu’on avait entassé quelques mètres sur la gauche. Zoum ! Changement brutal de direction, trajectoire qui dessine un angle droit. Nous étions subitement passés d’une marche qui se voulait impérieuse à… Une gamine qui court vers un tas de feuilles mortes pour se jeter à genoux devant. Logique.

Non, elle ne s’était pas jetée dessus comme sur un matelas, elle n’avait pas shooté dedans, elle ne les prenait même pas pour les jeter au dessus de sa tête et les regarder tomber. Pourtant, c’était tentant. Mais en fait, elle se contentait juste de fouiller en les déplaçant délicatement.

Un chouette scarabée bleu, aussi long que son pouce, avec une unique corne sur la tête qui se divisait en deux parties sur la fin pour former un Y, voilà ce qu’elle venait de trouver. Honnêtement, elle aurait pensé trouver une bonne grosse araignée bien velue, elles aiment bien se cacher là-dedans en général. Mais bon, pas de discrimination, c’est un scarabée qu’elle a trouvé, c’est un scarabée qui sera son ami du jour !

La bestiole marchait d’un pas lent, comme fonctionnant au ralenti, sur l’index de la gamine qui se trouvait juste devant son visage, au niveau de ses yeux vert qui scrutaient le moindre reflet de la carapace métallescente de l’animal. Soudain, l’expression de son regard changea pour de la surprise, suivit par un embarras non masqué.

Vague mouvement des petites antennes situées sur la tête de l’insecte. Une réponse ? Qu’est-ce que j’en sais moi ? Ce n’est pas moi qui discute avec ces bêtes là vous savez…

Nouvelle attente, suivi d’un « merci » de la part de la gamine pour exprimer sa reconnaissance envers le coléoptère qui venait visiblement d’accepter de lui rendre ce service. Elle posa alors le bout de son doigt près de son épaule, au niveau de la sangle de sa petite sacoche. Le scarabée s’y déplaça de sa démarche délicate, puis resta calmement accroché. Si les antennes de l’animal ne bougeaient pas de temps en temps, on pourrait croire à une broche décorative.

Voilà une bonne chose de faite ! La journée commençait bien, Bug était à peine entrée dans l’école qu’elle avait déjà un ami ! La gamine se releva, essuya vaguement ses genoux sales en frottant avec ses mains, puis se retourna. Surprise, elle ne pu retenir un sursaut, ni s’empêcher de faire un léger pas en arrière. Quelqu’un était resté debout dans son dos pendant qu’elle installait le scarabée. Depuis combien de temps cette personne était là ? Est-ce qu’elle l’avait entendu ? Difficile à dire au premier abord. Alors à défaut de savoir quoi dire à ce nouvel arrivant, Kirima le dévisageait.

Merde, merde, merde ! Une fille. Elle n’aurait pas pu être un garçon celle-là ? Non pas que Bug soit du genre à draguer, ce genre de chose ne l’intéresse franchement pas. C’est juste que, du côté des humains, elle s’entend plus facilement avec les garçons que les filles. Un mec, ça réfléchit moins, et quand ça a un problème avec quelqu’un, ça fait pas semblant.

Starship Trooper regarda l’inconnue de haut en bas avant de prendre la parole. C’est très impoli ça ma petite ! Bref. Il fallait qu’en plus, ce soit une belle fille, plutôt grande, plus grande que Kirima, et avec de la poitrine en plus. Trop bien proportionnée celle-là, c’est louche… Peut-être une fille qui a vendu son âme ou une sorcière qui se cache derrière un déguisement.

Oui, Bug croit à ces choses là, même si elle n’en a jamais eu la preuve. Mais elle n’en a pas besoin, les insectes lui ont tout raconté durant son enfance. En plus, jusque là, toutes les jolies filles qu’elle a rencontré étaient méchantes et cruelles avec les autres, sans doute qu’elles prennent un beau physique pour attirer leur proies.
Bon, maintenant qu’on sait ça, esquiver subtilement la conversation sans évoquer le sujet…

… Ah mince, c’est vrai qu’elle dit ce qu’elle pense celle-là. Désolé, trop l’habitude des personnages qui cachent ce qu’ils pensent aux autres. Donc elle s’était contentée de rester plantée là, face à l’inconnue, une main posée sur Gladys pour la protéger. Quand soudain, elle sembla réaliser ce qu’elle venait de dire et se reprit, toute gênée.


Elle s’incline une fois, deux fois, trois fois… Bon, ça va, on a comprit, tu es désolée. En fait, pas vraiment, c’est juste pour faire bonne figure. Elle n’a réalisé que trop tard que, si c’était une vraie sorcière, il valait mieux ne pas la provoquer. Si elle devait finir transformée en crapaud, elle ne pourrait plus s’approcher des insectes, ils auraient bien trop peur de se faire manger.

Et avec tout ça, elle ne s’est même pas présentée…

Sorcière ! Euh… pardon, ça m’a échappé. Non mais c’est vrai quoi à la fin, vous en connaissez beaucoup des filles belles comme ça qui sont pas des pestes en puissance ? Les gens comme ça, normalement, ils sont idiots, mauvais, ou au moins hypocrites. Oui, Kirima est bourrée d’idées reçues. Il faut dire que pour elle, c’est assez rare, les filles gentilles,. La majorité du temps, elles lui en ont plutôt fait baver.

D’un autre côté, elle n’avait vraiment pas l’air de lui vouloir du mal, et elle s’intéressait même au scarabée qu’elle venait de trouver ! Allez, on lui accorde le bénéfice du doute… Ou au moins, on reste poli et on se présente en s’inclinant légèrement.

Après quoi, elle esquissa un léger sourire en retirant sa main de l’insecte qui se trouvait sur la sangle de son sac.