Sac sur le dos (Libre)

Petit quartier commerçant de la ville, vers le soir, quelques heures après la fin des cours. Une petite marée de gens faisait ses courses, heureusement pas tant que ça, sinon Satsuki ne pourrait pas circuler.

Satsuki Yotsuba, du club de cuisine de Mahora, avait naturellement souvent besoin de refaire le plein en ingrédients ou en ustensiles, et pour cette raison, on la voyait souvent en train de transporter des choses diverses et variées, allant d'un peu encombrantes à... Ben, carrément encombrantes. Des boîtes vapeur au chariot plein à craquer, en gros. Et cette fois-ci, c'était un sac.

Satsuki traversait le marché avec sur le dos un sac énorme, si énorme qu'on finissait par se demander si on pouvait appeler ça un sac. Cette espèce d'engin qu'elle avait sur le dos devait bien s'étendre à plus d'un mètre derrière elle, et dépassait son petit mètre-cinquante-et-des-poussières de hauteur. Et apparemment, il était plein à craquer d'achats récents... Mais ça n'empêchait pas la fille-koala d'avancer normalement comme si elle ne portait rien du tout, et c'était probablement le plus effrayant dans tout ça. Même pas besoin du renfort de ses mains : l'une était occupée à porter un sac de manjû dans lequel l'autre se servait régulièrement. Et Satsuki de continuer son chemin en mangeant des manjû. Pas l'air de remarquer non plus les gens qui tournaient la tête avec surprise en la voyant passer ("Comment elle fait pour porter ça? °°' "), à mesure qu'elle avançait et s'arrêtait de temps à autre devant l'un des stands pour acheter encore autre chose.

Pas le temps de travailler. Il fait trop chaud pour rester à l'intérieur. Eh puis, il fait assez bon le soir, alors pourquoi ne pas aller marcher un peu. Et pour marcher dans un environnement sympathique, rien de tel que d'aller au marché ! Même si je viens sans but précis, j'aime bien me promener au milieu de la nourriture. Puis des fois au marché y'a des trucs qui donnent faim. Et avec la chaleur, je ne mange plus depuis quelques jours. Je vais devenir tellement maigre qu'on verra mes os et qu'on me prendra pour un zombie. Si en plus je fais "Braaaain", ça effraiera tout le monde.

Je marche donc, tranquillement, une croquette dans la main que je croque de temps en temps. Puis là, je remarque que tout le monde se retourne vers un même point. Alors j'accélère un peu histoire de voir ce qu'il se passe et...HAAA. UN SAC QUI MARCHE. Est-ce au moins un sac ? Vu sa taille j'opterai plutôt pour un chariot qui a pas de roues. Je me mets derrière et commence à le tapoter avec mon index...et en cadeau je me reçois une boîte sur la tête. Je la ramasse, tout en me massant le haut du crâne et (comme je suis trop petite) je m'avance vers la personne portant le sac et l'arrête...

- Ceci est tombé de votre...heu...sac (?).

Hm?

Le "sac" en question tourna la tête, si tant est qu'un sac à une tête. Non, évidemment, on veut dire par là que derrière l'énorme masse de trucs qu'elle avait dans le dos, Satsuki révéla enfin sa tête, ses yeux-en-grains-de-riz traduisant sa légère surprise. C'était une voix nouvelle, ça, donc personne de connu...

Certes Satsuki avait pris son temps pour se retourner, mais cela ne l'empêcha pas de remarquer, pendant un très court instant, que la jeune fille qui l'avait interpelée s'était frotté le haut du crâne, sur le coup. Ce qui voulait probablement dire que c'était sa pauvre tête qui avait fait les frais de cette boîte perdue...

Oh! Désolée...

Et Satsuki de s'incliner très brièvement, avant de récupérer la boîte qu'on lui tendait avec un sourire.

Merci beaucoup.

Et de s'incliner encore une fois. Et puis, au lieu de se remettre en chemin comme ça, Satsuki lâcha complètement les deux bretelles de son sac, laissant le poids reposer uniquement sur son dos, ce qui n'avait pas l'air de la gêner plus que ça. Et de ses deux mains libres, elle ouvrit la boîte, qui s'avérait pleine de petits sachets de gelée de prune. Good enough. Du coup, elle sourit à nouveau et la tendit vers Melina :

Pour la peine, vous en voulez un peu?

-Merci !

-Désolée de te tutoyer mais tu fais partie du club de cuisine ?

*My crush was a monster boy - GUMI

Hm?

Satsuki prit un air attentif, sans mot dire, le temps que Melina lui pose sa question, puis son sourire calme revint aussitôt après, et elle déclara simplement :

C'est exact! Bonne déduction.

Oui, parce que Sacchan avait évidemment déduit de la question de Melina qu'il s'agissait bien d'une déduction. ...DEDUCTIONCEPTION. *SBAF* Elle avait déclaré cela toujours avec le même air calme, imperturbable, comme si dans ce genre de moments elle était l'incarnation de la paix bouddhiste en personne. *ReSBAF* Elle n'avait accompagné cette réponse que d'un geste, son pouce levé en l'air dans un mouvement lent, aussi lent que tous ses autres mouvements. "Good job", Melina. Et c'était tout. Le même sourire calme restait inchangé. Mais cela ne l'empêcha pas d'ajouter, comme si de rien, presque :

Et vu ta taille et le bruit qu'a fait ton ventre, je peux déduire moi-même que tu n'as pas dû manger beaucoup ces derniers temps. Ça ne te fera pas de mal de manger un peu, n'est-ce pas?

(Ah oui, comme Melina a décidé de la tutoyer, elle lui rend la pareille. Après tout pourquoi pas.) Elle ajouta ensuite, en dernière remarque, avec un bref regard vers le ciel aux couleurs douces :

Je blâme la chaleur. Elle donne très envie de se rafraîchir et de s'hydrater, mais pas du tout envie de manger, en général.

Oui ! Alors que d'habitude je suis une petite gloutonne, comme me dit ma mère !

Et vous faites quoi au club de cuisine ?

Enfin...Si vous faites de la nourriture, vous en faites quoi après ?

Tiens. Bâillement de Mélina. Rien d'étonnant du point de vue de Satsuki, quand on ne mange pas suffisamment régulièrement on fatigue. C'est normal. Sacchan était tellement à cheval sur la santé et un régime correct qu'elle semblait connaître ces effets-là par coeur.

Toutefois, elle se garda de faire une remarque. Principalement parce que Melina lui posait une question. Qu'est-ce qu'on faisait au club de cuisine, enfin, plus précisément, que devenait la nourriture. Satsuki fut tentée un court instant de dire : "ce qu'on en fait? On la jette à la poubelle, quelle question." Mais Satsuki n'était pas vraiment du genre à sortir des blagues cyniques de ce genre ; c'était tout simplement que la réponse lui semblait évidente. Elle tâcha tout de même d'être précise.

Ce qu'on en fait? Oh, plusieurs choses... On la sert dans l'une des cafétérias de l'école, ou ailleurs, on la distribue pour des dégustations, ou pour certaines occasions particulières, ou alors, on la mange nous-mêmes...

Et comme "pour résumer", elle ajouta avec un court clin d'oeil amical et un sourire de koala :

En somme, on s'assure que quelqu'un peut en profiter! C'est à ça que ça sert, non?

HJ : Désolée, c'est court et pas inspirant.^^' Si tu veux que je modifie quelque chose tu me dis.

[GROS RETARD XD J'avais plus d'imagination :'3]

-C'est génial !

-Tu connais la chanson Koisuru Fortune Cookie ?

-Jinsei suteta mon ja nai yo ne

Atto odoroku kiseki ga okiru

Anata to doko ka de aishi aeru yokan~ ♫

Rire de Sacchan. Un rire très calme comme toujours de la part de l'intéressée, mais qui voulait tout dire. Elle était mignonne, Melina, et marrante aussi. Cette attitude positive lui rappelait certaines de ses camarades de classe, en un sens. Il faut vraiment le vouloir pour commencer à chanter une chanson, chorégraphie comprise, au milieu de nulle part!

Oui, n'empêche que chanter et danser ça n'arrange pas la faim. Et c'était d'ailleurs pour cette raison que Sacchan s'arrêta de rire assez rapidement (elle avait même lâché quelques applaudissements tant qu'elle y était, très posée, bien droite, les deux mains qui se frappaient l'une contre l'autre d'un mouvement tout à fait égal) pour passer à un sujet plus sérieux.

Bon, là, j'entends trop de bruit et je ne peux pas laisser passer ça.

Évidemment, elle avait lâché ça sans cesser de sourire. Ses mots étaient d'une certitude presque déroutante, mais son sourire suffisait à dissiper n'importe quelle inquiétude. Elle est comme ça, Sacchan. Elle peut te sortir le truc le plus "sans appel" du monde mais avec un grand sourire tout mignon qui fait que ça ne donne pas envie de discuter. Et c'est tant mieux d'ailleurs, parce que quand Sacchan a une idée derrière la tête, c'est généralement dans l'intérêt de la personne en question.

Ça te dirait de venir manger un repas? Un vrai, je veux dire, en entier. Ça ne te ferait pas de mal, je pense.

Man-...MANGER ? MANGEEEER. MANGER MANGER MANGEEEER...Hm.

Je regarde, ébahie, mon interlocutrice et réfléchis. Je suis assez difficile niveau nourriture, il ne faudrait pas tomber sur quelque chose de...«dégoûtant». Enfin, de la bouffe que je n'aime pas, quoi ! Rien n'est dégoûtant, on aime où on aime pas. Source ? Ma demie-soeur. Je n'en parle jamais. Je me considère fille unique. Ce n'est pas vraiment ma soeur...mais revenons à nos moutons. Un repas. J'ai presque oublié ce que c'était. J'aimerai manger français, comme mon papa. Ou alors anglais, comme ses origines. Mais maman préfère que je mange japonais, comme les «japonais normaux». En même temps, avec la mondialisation, on finit par tous manger pareil !

Enfin, j'adore la cuisine française traditionnelle. Foie gras et tout le bazar. Je donnerai tout l'or du monde pour manger une bonne baguette de pain. Prpmis ! L'année prochaine j'achète une marinière, un béret et je vais demander à maman si on peut partir en vacances en France ! Je dois être une de seules filles du monde à vouloir y aller. Vu le bazar qu'il y a en Europe, si c'est contagieux, mieux vaut rester ici, j'vous l'dis !

Un repas ? Que tu offrirais à moi, la simple et petite Melina Wood ? Sérieusement ?

Je me mets à sourire et à tourner sur moi-même, bousculant deux ou trois passants et à revenir vers Sacchan, le petit koala qui adore cuisiner (bien sûr que oui je connais son nom, tout le monde la connaît, elle cuisine trop bien !). Je saute en l'air deux ou trois fois et rit aux éclats. Un gargouillement me fait perdre toute ma joie.

C'est vrai ?

Re-rire de Sacchan. Très bref. Celle-là, elle est mignonne et drôle, en plus. Décidément, il n'y a pas qu'en 3-A que les filles de Mahora sont originales, loin de là.

Bien sûr que c'est vrai.

Encore une fois, il eût pu être tentant de répondre par un sarcasme, mais Sacchan n'était pas vraiment de ce genre-là... Sacchan était plutôt du genre à dire les choses telles qu'elles étaient et en particulier lorsqu'elles étaient positives. Et peu de choses sont plus positives au sens de Satsuki que la promesse d'un bon repas.

Anyway.

Alors tu t'appelles Melina Wood-san? (Petite courbette de la tête pour saluer poliment.) Enchantée. Moi, c'est Satsuki Yotsuba, de la classe 3-A.

Voilà. Qu'on connaisse son nom au préalable ou pas, il était convenable selon les bonnes manières de faire les présentations dans les règles. Et maintenant que c'était fait, autant continuer dans la bonne direction... Au sens propre du terme. Sacchan commença à faire quelques pas dans la direction de la rue qui menait vers Mahora.

Viens, suis-moi. Si on veut faire un repas il faut se mettre dans les bonnes conditions.

(Eeh non, même pas de "Tu pourras tenir jusque-là?". La question était implicite, et en même temps hors d'usage ici... Quand on veut un bon repas il faut le mériter par son attente, bien sûr! Mais on ne va pas se lancer dans une dissertation sur l'art de manger maintenant, ça risque d'être un peu compliqué... Alors restons-en là pour l'instant.)